30 ans après la sortie de Mad Max au-delà du dôme du tonnerre, 15 ans après les premiers échos du projet dans la presse et 12 ans après un premier tournage avorté avec Mel Gibson, Mad Max: Fury Road sort enfin sur nos écrans ! C'est dire si ce quatrième film de la célèbre franchise initiée par George Miller s'est fait désiré. Mais, une fois n'est pas coutume, ça en valait la peine. Loin de proposer du simple fan service ou de trahir le personnage titre pour mieux le rendre conforme aux goûts du moment, le cinéaste reste droit dans ses bottes et en propose une relecture d'une efficacité redoutable.
Il faut dire qu'après avoir été élevé au rang de messie dans sa troisième aventure cinématographique, Max est devenu une légende. Fury Road nous en offre donc une autre interprétation, un nouvel évangile en quelque sorte, enrichissant la mythologie quitte à contredire certains faits établis (mais n'est-ce pas le sort réservé à tout récit épique lorsqu'il est partagé ?). Sous ses airs de reboot, cet épisode peut être perçu comme une histoire faisant suite à Thunderdome. D'autres y verront un récit intermédiaire, situé entre les premier et deuxième films, nous montrant Max devenir progressivement le Road Warrior, influencé par le courage de Furiosa. Notre héros y est mutique. Le souvenir des nombreux innocents qu'il a vu mourir ne cesse de le hanter. Sous les traits de Tom Hardy, Max est plus animal que jamais, une bête épaisse grognant pendant tout le début du film, déshumanisé au point de refuser de donner son nom. Tom Hardy est Mad Max. Il ne nous fait pas oublier Mel Gibson, il lui est complémentaire. À ses côtés, Charlize Theron est son alter ego féminin : Furiosa. Cette Valkyrie motorisée s’inscrit dans la droite lignée des personnages féminins forts de la trilogie précédente, telles que Jessie, la Warrior Woman et Aunty Entity.
À l'instar du personnage de Max, l'environnement dans lequel il évolue est lui aussi plus sauvage, voire hystérique. Les ravages de la bombe atomique (explicitement évoquée) sont visibles sur les corps difformes des survivants. Parmi eux, l'effrayant Immortan Joe – Hugh Keays-Byrne, déjà interprète du Toecutter dans Mad Max – est le plus beau spécimen d'une galerie de personnages hauts en couleurs dont les personnalités se révèlent moins à travers la parole que l'action. Miller plonge tout ce beau monde dans un décor infernal mais paradoxalement d'une beauté fascinante. Plus que jamais, son esthétique évoque les BD du magazine français Métal Hurlant, avec ses couleurs exacerbées à mille lieues du pseudo-réalisme des blockbusters post-Dark Knight. Les véhicules aux designs les plus excentriques s'affrontent dans des courses poursuites à peine imaginables et les images les plus folles s'enchaînent à un rythme effréné (des explosions par dizaines, un guitariste neo-punk enchaînant ses riffs au cœur même de cet enfer mécanique etc). Montage, direction artistique, cascades ou effets spéciaux numériques (moins de 20% du film)... tout est orchestré de main de maître par un George Miller au sommet de son art. En plus de livrer l’une des mises en scène les plus inspirées de la décennie, l'auteur arrive a traiter intelligemment des thèmes forts (féminisme, pouvoir, civilisation, rédemption...) autour de son personnage fétiche, héros archétypal, samouraï des temps modernes.
Sorte de Chevauchée fantastique sous acide (mais coupée au sans plomb), Mad Max: Fury Road réussit le pari de revigorer une saga en sommeil depuis 30 ans tout en marquant une nouvelle date dans l'histoire du blockbuster américain. Combinant à la fois la violence graphique du premier film, le souffle épique du deuxième et la démesure visuelle du troisième, il se présente comme un véritable opéra poussiéreux, d’une extravagance visuelle étourdissante. Un classique instantané !