Faire revenir Max avait tout du projet bien Mad. Depuis sa dernière apparition en 1985, le flic solitaire et mutique errant dans un monde apocalyptique est passé par tous les stades. Projets esquissés finalement rejetés, tournage sans cesse repoussé, puis changement de l'acteur principal annoncé. Mel Gibson remplacé? En 2011, George Miller annonce que le mythe de l'asphalte aura un nouveau visage, celui de Tom Hardy. Pari fou? Pas tant que ça, l'acteur anglais s'étant justement bâti une carrière monstrueuse à coups d'interprétations fiévreuses et physiques (Bronson, Warrior, The Dark Knight Rises ou Locke). Le casting compte également Charlize Theron, Nicholas Hoult ou Hugh Keays-Byrne (le Toecutter du premier volet, qui se paie le luxe de camper un nouveau psychopathe ici). Le tournage est rude, la date de sortie décalée d'une année, l'attente devient épuisante...Puis finalement arrivent les premières images de Fury Road au Comic-Con 2014. Alors que les super-héros étaient les plus attendus, c'est bien Max qui met tout le monde K.O. Puis les bandes annonces suivantes -aussi réussies- font de Mad Max l'incontournable de 2015.
Imaginez maintenant que le film soit aussi dingue que le laissaient présager ces courts échantillons. Imaginez que Fury Road écrase littéralement les rouleaux compresseurs balourds et aseptisés qu'on nous sert à la louche. Et imaginez qu'à ce moment-là, le film vient à peine de démarrer. Embarqué malgré lui dans une course-poursuite effrénée et impitoyable, Max doit s'allier à Furiosa afin d'échapper au seigneur de guerre Immortan Joe et sa horde de mercenaires dégénérés. Dès l'introduction, on est happé par le rythme endiablé de cette opéra barbare. Folle, furieuse, colossale, avec pour seul mot d'ordre: ne jamais s'arrêter. Et c'est ce que le film fait. En 1981, The Road Warrior s'embarquait sur la voie du cinéma post-apocalyptique. Presque trente-cinq ans plus tard, Fury Road s'attaque lui à l'Action. Dans les deux cas, une chose est limpide: les règles du jeu, c'est Max qui les fixe.
En dépoussiérant son héros et son univers, George Miller (re)donne tout son sens au mot épique. Conçu comme un shoot d'adrénaline, le film atteint une telle pureté dans son Art qu'il en devient presque(?) une abstraction. Avec une virtuosité proprement inouïe, le réalisateur australien sonde les maux de la société moderne, ravive la force métaphorique du mythe, et enchaine les morceaux de bravoure avec une maestria qui va en laisser plus d'un sur le carreau. Minimisant l'utilisation d'effets numériques, la poursuite impitoyable alignent les scènes d'action époustouflantes. D'où tirent-elles cette force incomparable? On y croit, tout simplement. On est clairement dans un monde de fous, mais il est si cohérent dans sa folie qu'on ne peut qu'y succomber.
Tom Hardy reprend le blouson de Max avec panache, en y injectant une sauvagerie qui lui sied si bien. Charlize Theron compose une Furiosa impériale, tenant sans mal la dragée haute à Hardy. Nicholas Hoult, dans le rôle de Nux, ajoute un peu de fraicheur dans ce monde étouffant. Hugh Keays-Byrne peut lui se vanter d'avoir campé deux méchants bien glaçants au sein d'une même saga. Tous, du premier au dernier rôle, ont leur place dans le monde violent et désespéré de George Miller. Et Junkie XL délivre une bande originale à l'image de cette équipée sauvage: majestueuse. La réussite est telle qu'on passe volontiers sur certains défauts (certains effets visuels voyants), qui semblent anecdotiques au regard de l'expérience unique que l'on vient de vivre. On sort de ce survival le souffle court, les yeux grands ouverts et le sourire jusqu'aux oreilles. Mad Max Fury Road fera très probablement partie des plus grands films d'action jamais fait.