Je vais pas y aller par quatre chemins: pour moi, Mad Max a atteint ici sa perfection.
Ce quatrième film, car il doit être vu comme tel, est l'aboutissement logique et total du cheminement que l'on entrevoyait avec le début de la série. Dans le premier opus, Max est encore rattaché à notre réalité: on a quelques pistes d'explications sur l'état du monde, sur le comportement du héros. Miller commence à déployer son univers de violence et de mécaniques. Dans le second, on commence déjà à sombrer dans la folie, et apparaissent de manière plus marquée ses personnages néo-préhistoriques vouant un culte au pétrole. Avec Beyond the Thunderdome, on a complètement perdu pied avec le réel et le film ne constitue plus qu'un prétexte pour déployer son monde. Cette esthétique est ce qui fait la grandeur de la série.
Elle a réussi à capter les fantasmes de son temps pour créer ce qu'on pourrait appeler le fuel-punk (ou le diesel-punk, ça existe apparemment...). Elle lance un mouvement esthétique - compris au sens large - qui influencera profondément sa génération et la suivante (on pense forcément à Borderlands, entre autres). Mais on sentait une forme de frustration. Le troisième volet était considéré comme le moins réussi, et on sentait bien qu'il y avait la possibilité de faire beaucoup plus.
Et bien voilà, c'est fait. Avec Fury Road, Miller donne à voir toute l'ampleur de l'univers qu'il a créé. Avec tout un tas de nouveautés toutes plus jouissives les unes que les autres (le rockeur qui mène le cortège, les motards-acrobates-grenadiers, le chrome pré-sacrificiel, ...), il achève et complète son œuvre. Il reste fidèle à l'esprit de ses premiers films mais utilise avec succès la technique moderne (et la ressource financière) pour déployer pleinement son imaginaire. Si les films des années 80 lançaient un mouvement , Fury Road en est le manifeste esthétique.
Certains lui reprochent son scénario pour le moins ténu et se moquent du //SPOILER demi-tour SPOILER//, mais l'intérêt ne réside certainement pas là. D'ailleurs, la mise en contexte est volontairement quasi-inexistance: réduite à un rapide résumé des évènements ayant causé l'apocalypse par une voix off pendant l'intro. Et puis le héros lui même symbolise cela: arrivé de nulle part, //SPOILER il repart sans explications à la fin du film, comme dans Beyond the Thunderdome SPOILER//. En fait, il se rapprocherait d'un clip musical par son absence de justification.
Pour finir, la violence peut choquer. Mais le premier Mad Max avait lui même était considéré ultra-violent. Aujourd'hui, Fury Road montre jusqu'où il faut aller pour dépasser les bornes.
Donc je maintiens: Fury Road atteint parfaitement son objectif, et ça en jette.