Un jour de l’an 2010 ou 2011, j’ai eu l’opportunité de découvrir un ‘classique’ du cinéma, un film auquel certains vouent un genre de culte, le premier « Mad Max » de 1979. Autant dire que j’avais été franchement peu convaincu par ce film assez ennuyeux et plutôt moche. Je n’étais donc initialement pas très tenté de renouveler l’expérience – avec le même George Miller, et en remplaçant de surcroît Mel Gibson par Tom ‘Lèvres Pulpeuses’ Hardy.
Devant la foultitude de critiques dithyrambiques et la note ridiculement élevée dont bénéficie « Fury Road » sur le site, j’ai toutefois reconsidéré mon jugement.
Le film s’ouvre sur un désert – du sable à perte de vue. Nous faisons la connaissance du protagoniste éponyme, un homme aux traits burinés, qui mange des lézards et se tourmente avec des hallucinations de sa fille assassinée. Bien vite, Max est capturé par des ferrailleurs, tente de s’échapper dans une espèce d’énorme prison rocheuse, mais est repris. L’enclave, sorte de cité troglodyte nichée entre d’immenses falaises, porte le doux nom de ‘Citadelle’, et est dirigée d’une main de fer par un individu avenant du nom de ‘Joe’.
Ce jour-là est justement choisi par Joe pour s’adresser à la populace. Un ‘bataillon’, constitué d’un camion-citerne et de son escorte, est envoyé s’emparer d’essence, une occasion rare célébrée par la brève ouverture de vannes d’eau, une ressource devenue précieuse dont seul dispose Joe.
Le bataillon est dirigé par l’Imperator Furiosa, une femme de caractère à l’air revêche. Toutefois, le camion dévie rapidement de sa trajectoire, et Joe réalise que tout ne va pas se passer comme prévu.
À partir de ce moment-là, et cela survient assez tôt, le film ne sera presque plus qu’action pure jusqu’à sa conclusion. Dans ce registre, il s’en tire très honorablement : si Miller exagère parfois avec sa manie d’accélérer la pellicule, les scènes sont bien filmées, claires et lisibles. On échappe fort heureusement au syndrome de la caméra tremblotante, voire, pire encore, au ralenti tant honni cher au cœur de l’infâme Zack Snyder. Il n’y a pas trop de grosse incohérence, pas d’arme absolue (que l’on utilise bien sûr qu’en dernier recours, là où un usage plus précoce aurait épargné bien des vies). C’est une course poursuite au rythme effréné, bien réalisée. Et, en cela, Miller fait bien mieux que la plupart des affligeants blockbusters modernes (sans faire mention, au hasard, d’une franchise de super-héros Marvel venant de dépasser le milliard au box-office).
On est toutefois bien loin des gros titres de la presse, quand par exemple Première titre « Un film hybride qui réinvente le cinéma », il ne faut quand même pas pousser…
Bon, cela dit, à quelques et notables exceptions près, c’est tout ce que le film propose. Le scénario est très léger, et l’atmosphère n’est absolument pas travaillée. Nous sommes dans un monde post-apocalyptique, et cela se ressent principalement par un goût douteux pour les insectes et des habitudes vestimentaires contestables. Il aurait été intéressant de faire davantage ressortir la pénurie : l’eau, l’essence et les munitions, notamment. Ici, ce n’est pas du tout le sentiment que l’on a. L’eau a beau être au cœur des préoccupations des survivants, son traitement est marginal. Il y a une séquence dans laquelle l’on compte les précieuses munitions restantes, mais il y a tant d’armes en circulation que l’on doute que nos personnages en viennent un jour à en manquer. Il n’y a donc aucun doute sur le fait que jamais les héros ne manqueront de ces précieuses ressources, aucune tension, aucune inquiétude. C’est dommage dans le sens où cela aurait permis de renforcer le côté « survie » pourtant au cœur du post-apo.
C’est d’autant plus dommage, car le film bénéficie d’une photographie plutôt léchée et que les paysages naturels (le désert de Namibie) sont plutôt majestueux. Tous les choix esthétiques sur les véhicules (camions, quads, simili-bagnoles) sont assez peu originaux, avec des trucs globalement maronnasses rouillés et avec des pointes partout. Le reste s’en tire correctement, en sombrant dans une débauche de kitsch et de mauvais goût assumé qui va bien avec l’esprit un peu déjanté de la première partie du film (cette guitare !!!).
J’ai pu lire à droite à gauche que « Fury Road » est un film "féministe". Bon, ok, il y a un super rôle pour Charlize Theron. Même avec une coupe à la garçonne, un bras en moins et un sale accoutrement, elle a toujours un charme fou, mais c’est son personnage qui est vraiment intéressant. Bien plus qu’un faire-valoir pour Max – qui est d’ailleurs un peu en retrait, et c’est tant mieux lorsqu’on compare le capital charisme d’Hardy avec celui de Theron – c’est elle qui lance le film, et qui le porte de bout en bout. C’est rafraichissant et cela fait plaisir à voir (et quand le gang des soixante-huitardes à moto débarque, c’est génial). Cela dit, le reste de l'équipe est quand même assez peu intéressant, le féminisme ne va quand même pas très loin.
Evidemment, il y a pas mal de défauts, inhérents aux blockbusters, dans ce « Fury Road ». Des personnages un peu débiles, des situations assez grotesques, et un scénario plutôt convenu et sans surprise, où tout ce qui est montré doit servir (mention spéciale à la perfusion), et l’où on devine sans trop de peine ce qui va se passer. Néanmoins, dans son genre, c’est-à-dire de l’action pure et survoltée, le film s’en tire honorablement. Enfin, c’est aussi un peu un road-movie, et j’ai une tendresse toute particulière pour ce genre-là (je pense qu’un film avec un mec et une nana qui traversent les USA en camion pendant une heure trente suffirait à mon bonheur).