C’est un exercice délicat pour un réalisateur de revisiter 30 après un personnage si marquant car il s’expose à une déception à la mesure des attentes parfois démesurées des fans (rappelons la jurisprudence Prometheus avec aussi Charlize Theron). Et pourtant George Miller pulvérise toutes les attentes et redéfini une nouvelle fois la représentation de l’action au cinéma offrant au genre n’ayons pas peur des mots un nouveau chef d’oeuvre!
Expérience inédite que de découvrir la suite d’un film vu il y a 30 ans… mais revoilà donc Max Rockatansky cette fois sous les traits de Tom Hardy , avec la bénédiction de Mel Gibson qui avait failli reprendre son rôle il y a 14 ans avant que le projet ne soit suspendu à la suite des événements du 11 septembre. J’ai trouvé le travail de Tom Hardy remarquable car il est parvenu à m’évoquer immédiatement le personnage de Max dont la force tenait surtout au charisme de son interprète original. Son Max est plus tourmenté par la perte de sa famille que celui de Gibson, plus animal aussi , il débute le film presque à l’état sauvage. Capturé, réduit au rang de réserves de sang pour les maraudeurs il passe le premier tiers du film muselé et enchaîné à l’avant du véhicule de Nux (Nicholas Hoult), l’un des soldats d’Immortan Joe. Et c’est au fur et à mesure de l’intrigue qu’il retrouve les attributs caractéristiques de son apparence (un peu à la manière de l’homme sans nom dans Le Bon, la Brute et le Truand) et que sa version rejoint celle de Gibson un solitaire qui se met au service d’une communauté dans laquelle il trouve une lueur d’espoir dans un monde condamné.
Si Max est le rôle titre le protagoniste du film est bien Charlize Theron qui crée avec Imperator Furiosa un personnage qui rejoindra Ripley ou Sarah Connor aux rangs des grands héroïnes du film d’action. Porté par une iconographie inoubliable avec sa prothèse « steampunk » elle habite son personnage et lui confère une rage muette née d’années de servitude qui lui sert de moteur, culminant dans une scène poignante ou elle laisse éclater toute cette souffrance accumulée.
Nicolas Hoult est au diapason des deux vedettes avec une interprétation d’abord exaltée puis émouvante d’un personnage tragique allégorie des fanatiques religieux kamikazes conditionnés depuis l’enfance.
Mais la vedette de Fury Road est bien George Miller qui redéfini l’action cinématographique posant les bases d’un cinéma cinétique dédié entièrement au mouvement ou l’action est l’élément central de la narration.
A 70 ans Il injecte à Fury Road une énergie proprement surnaturelle qui ridiculiserait presque 30 ans de grands spectacles. Le spectateur se retrouve dans la position de Max au début du film accroché à la calandre d’un bolide fou lancé à pleine vitesse au milieu de collisions et d’explosions gargantuesques. Les deux principales séquences d’action se déroulent parfois sur six ou sept niveaux différents de façon simultanée sans perdre en lisibilité. L’invention est permanente avec ces assaillants suspendus au bout de perches ou ces lanciers kamikazes se jetant à l’assaut de monstres de métal.
Miller fait évoluer son style , images accélérées, aspect beaucoup plus opératique , il redéfini avec son directeur de la photo John Seale (Rain Man, Le Patient Anglais et déjà avec Miller Lorenzo’s Oil) les codes chromatiques de son univers post-apocalyptique, loin des teintes ternes et dé-saturées c’est le règne des couleurs éclatantes, vibrantes ou même la nuit devient bleu électrique. Il embarque la musique pulsative de Junkie XL (compositeur décrié mais qui livre ici une partition excellente) au cœur même de l’action avec un personnage absolument délirant de guitariste rock armé d’une guitare lance-flammes.
Le film enrichit la cartographie des forces qui habitent l’univers des wastelands , chaque personnage même secondaire semble avoir une histoire et raconte quelque chose de ce nouvel age barbare qui a succédé à la civilisation. La conception artistique d’une richesse folle , le travail démentiel sur les décors et les costumes nous rend ce monde tangible. Il faut rendre hommage ici à Brendan McCarthy artiste de BD et co-scénariste qui travaille depuis plus de 10 ans au coté de Miller pour bâtir cette oeuvre majeure.
Rares sont les films qui parviennent à concilier une direction artistique fouillée avec un coté instinctif primal comme sait le faire Fury Road.
Les Mad Max sont nés des angoisses et bouleversements issus des chocs pétroliers des années 70 de même Fury Road se nourrit des angoisses écologiques politiques et sociologiques du monde post-11 septembre. Ici le capitalisme vampire, le culte des armes et le fanatisme religieux s’incarnent au travers de trois des méchants du film : The People Eater , The Bullet Farmer et bien sur Immortan Joe vilain abject rongé par la maladie comme représentation de ce système condamné à disparaîtreM. L’émancipation de la femme dont les « Méres » et le clan de Furiosa représentent les différentes facettes semble incarner pour Miller l’espoir d’un nouveau départ pour tout le genre humain.
Conclusion : Mad Max Fury Road oeuvre monumentale, opératique, épique et hallucinée marque une date dans l’histoire du cinéma d’action (donc du cinéma tout court).Un classique instantané.
http://cinemadroide.com/2015/05/15/mad-max-fury-road-du-sang-de-la-sueur-et-des-larmes/