George Miller est brillant. C'est une évidence en voyant ce film pour lequel on sent que son investissement a été total. Il a réussi à renouveler la saga qu'il a créé il y a plus de 35 ans, réussi à faire ce que la plupart des blockbusters américains n'arrivent plus à faire : créer un vrai univers, maintenir un style cohérent, instaurer un rythme haletant sans se soucier des règles, mettre en scène des scènes d'action hallucinantes et fluides, magnifier des acteurs (et surtout actrices) par des plans sublimes... C'est déjà énorme et c'est sans doute ce qui fait que la critique est quasi-unanime pour qualifier ce Mad Max nouveau de chef d'oeuvre. Sauf que, à part ça, c'est le néant.
Et malgré toutes ses incroyables qualités, le film n'est pas exempt de défauts.
A commencer par le fait d'être une "suite" de films qui exploraient les mêmes thèmes de manière plus intéressante et plus brutale, ce qui donne à ce film là, bien plus léché et moins violent, un côté "tout public" et bizarrement aseptisé. Ce "défaut" était déjà présent dans "Mad Max 3 : au delà du dôme du Tonnerre" reconnu par la plupart des fans comme le moins bon des trois. Pourtant, ce "Fury road" se veut plus proche de "Mad Max 2" mais, s'il en a l'inventivité et la frénésie visuelle des courses poursuites, il a ce côté "commercial" que l'original n'avait pas.
Cela peut être dû au casting.
Si Charlize Theron et Nicholas Hoult sont plutôt convaincants et se font oublier derrière l'originalité de leurs personnages, Tom Hardy a, lui, bien du mal à faire oublier Mel Gibson. Son personnage de Max, qui n'a pas grand chose de Mad, est particulièrement inintéressant. Sa psychologie se limite à des flash backs hallucinatoires très pompeux. Le reste n'est que postures héroïques ou pseudo-masochistes, dialogues limités au minimum mais qui tombent à plat à chaque fois quand même. Difficile de dire si le personnage est mal écrit ou si l'acteur manque de charisme, mais le fait est qu'on ne s'intéresse pas vraiment à lui.
Heureusement, il y a Immortan Joe, le "méchant" du film et son look de vieux hardos, digne successeur de Skeletor et Dark Vador, et sa clique de trognes (hélas, son "bras droit" Rictus est vraiment ridicule malgré sa montagne de muscles, ce qui rend le combat final sans intérêt). Il y a aussi les femmes, très belles (que ce soient les pondeuses ou les amazones) et plus fortes que la plupart des hommes qui peuplent le récit.
Pas de quoi, cependant, parler de film féministe comme j'ai pu le lire ici ou là. D'ailleurs, difficile de comprendre en quoi ce film peut être qualifié de "blockbuster cérébral" ou "intello" tant le scenario tient sur un timbre poste et ne va nulle part. Le film a, au contraire, le bon goût de ne pas trop prendre au sérieux son discours écolo et de se concentrer essentiellement sur le style et le rythme, quitte à ne rien raconter, ce qui en fait un bon film d'action avec l'esprit d'une série B mais des moyens disproportionnés.
C'est aussi l'un de ses défauts. Certes, la virtuosité impressionne, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'y voir la vacuité de l'ensemble et de regretter les deux premiers films de la série, faits avec des moyens beaucoup moins importants, mais nettement plus avant-gardistes et autrement plus "choc".
Là, si claque il y a, c'est uniquement d'un point de vue graphique, et en réaction aux films formatés hollywoodiens qui se ressemblent tous. Mais cet aspect, présent dans la bande annonce, ne suffit pas à faire de ce film un classique à mes yeux. Juste un bon moment, avec des passages particulièrement jouissifs, mais avec aussi des longueurs et quelques défauts qui gâchent un peu le plaisir.
On ressort de la salle un peu fatigué par les incessants bruits de moteur et la musique de Junkie XL, mais tout de même avec la sensation d'avoir pris part à une impressionnante attraction visuelle qui sort du lot, un long clip de 2 heures, extraordinairement maitrisé, ce qui est déjà un énorme tour de force.