N'ayant jamais vu la saga Mad Max, je n'étais pas forcément très chaud à l'idée d'aller m'enfermer dans une salle obscure pour regarder le dernier opus. Mais quand j'ai constaté le consensus autour de ce film, je me suis dit que je serais le dernier des incultes si je ne courrais pas le voir.
Verdict: il faut absolument que j'aille voir les autres. Voilà un des meilleurs représentants de ce que le cinéma peut nous offrir, et un des plus grands films de cette année.
Plutôt que d'énumérer ses plans sublimes, ses scènes d'action hors-pair, son souffle épique ou la qualité de sa réalisation, je me permettrais de répondre à une critique qu'on oppose souvent à ce Fury Road et qui peut se résumer ainsi: "le scénario de ce film est inexistant" ou encore "ce film est jouissif, mais stupide".
Permettez-moi d'onomatopéter:
Hum...
Je ne crois pas.
Mais pourquoi une telle critique? C'est en fait, assez simple: la narration de ce film est purement visuelle. Très peu de dialogues et beaucoup d'action. Nous sommes habitués à une explication orale des situations (merci Nolan et Tarantino), et nous en concluons donc, très logiquement, que ce film a un scénario gros comme un auriculaire.
Toutefois cet avis, bien que compréhensible, est injustifié. Pour s'en convaincre, il faut jeter un coup d'oeil sur l'univers de ce film: désolant, brutal, sanguinaire et misogyne. A l'image d'Immortan Joe, le méchant, et de son armée.
Surtout, la société mise en place ressemble un peu à l'univers de Conan le Barbare: un monde plongé jusqu'au front dans le paganisme.
Pour le montrer, rien de tel que l'exemple du "Valhalla" invoqué par les war boys. Beaucoup voient dans cette société une critique des extrémistes religieux (et ce n'est pas totalement faux) mais ce n'est que considérer la face visible de l'Iceberg. La différence entre le paradis chrétien et le valhalla viking (ou war boy), c'est que dans un cas, l'homme est sauvé avant tout par la grâce de Dieu (donc par un autre) et par ses actions bonnes. Dans un autre, l'homme se sauve par ses propres actions, et l'idéal est celui du guerrier.
De plus, privés de repères moraux ou rationnels, la civilisation est retombée dans une sorte de fidéisme païen et irrationnel, puisque les soldats d'Immortan Joe vénèrent la route et traitent leurs volants comme un moine orthodoxe traite une icône.
En face, Furiosa et Max incarnent au contraire ceux qui refusent cette société, qui affirment leur liberté et sont prêts à se battre pour échapper à cette logique déterministe imposée par Immortan Joe et son armée, qui semblent croire au destin ("je suis attendu au Valhalla"), lequel semble être symbolisé par cette guitare électrique lance-flammes, dont le son rappelle aux fugitifs qu'ils seront rattrapés de toute façon.
En ce sens, il apparaît que Max et ses alliés incarnent la liberté (au sens philosophique, par opposition à l'idée de déterminisme) et surtout, le sacrifice.
A ce titre, le cas de Nux est particulièrement intéressant. Il veut d'abord mourir pour sa gloire et au terme de son parcours, sacrifiera certes sa vie, mais non pas pour lui-même, ou pour la gloire; au contraire, il meurt pour que d'autres vivent. En ce sens, son sacrifice s'apparente à celui de Spartacus, du Christ ou encore de Léonidas, c'est-à-dire de ceux qui sont morts pour que d'autres vivent ou soient libres. Et ce faisant, ils ont acquis une gloire méritée.
Comme quoi, ce n'est pas parce qu'un film se revendique comme un divertissement qu'il est vide sur le plan philosophique.
Mais j'entends quelqu'un qui me dit que c'est d'abord un bon gros film d'action. Et il a raison.
Reste à savoir si un film d'action peut être une oeuvre d'art. Mad Max: Fury Road semble répondre par l'affirmative.