Voir la sublime et talentueuse (on ne le répétera pas assez hein, on est d'accord) Mia Wasikowska en vedette d'une énième adaptation cinématographique d'un monument de la littérature, ça vous semble familier ?
Si c'est le cas, c'est que votre mémoire de cinéphiles n'est pas défaillante, vu que la célèbre Alice de Tim Burton était déjà la jolie vedette du sublime Jane Eyre de l'excellent Cary Fukunaga, sortie en 2012 et pour lequel elle partageait notamment la vedette avec le bestial Michael Fassbender.
Bis repetita donc en ces premières heures de novembre avec Madame Bovary, nouvelle mise en image sur grand écran du pavé littéraire classique de Gustave Flaubert, cette fois sous la houlette de la réalisatrice Sophie Barthes (Âmes en Stock), qui a convoqué pour l'occasion un casting des plus classieux : Wasikowska donc, mais également Ezra Miller, Paul Giamatti (déjà de son Âmes en Stock), Rhys Ifans et Logan Marshall-Green.
De la compét officielle lors du dernier Festival du Film Américain de Deauville - après être passé par Toronto ou encore Telluride -, le film avait la lourde tache (pour ne pas dire impossible) d'apporter un regard neuf à une œuvre témoin de son temps et porté plus que de raison au cinéma et à la télévision.
Sans surprise, Barthes signe une adaptation respectueuse et classique du classique (facile), manquant cependant de passion pour réellement se démarquer des précédentes versions (de Chabrol ou encore de Renoir) malgré le fait qu'elle offrait pour la première fois, un regard féminin à une adaptation - Anne Fontaine s'en était librement inspiré pour son craquant Gemma Bovary.
Pour ceux ne connaissant ni d'Adam ni d'Eve le roman de Flaubert, Madame Bovary comptait l'histoire d'Emma Rouault qui, fraîchement sortie du couvent, épouse Charles Bovary, un médecin de campagne qui se réjouit d’avoir trouvé la compagne parfaite.
Emma occupe ses journées à aménager sa nouvelle demeure, dessine, joue du piano et reçoit avec élégance les visiteurs.
Cette vie monochrome auprès d’un époux sans raffinement est bien loin des fastes et de la passion auxquels elle aspire.
Ses rencontres avec M. Lheureux, habile commerçant, le Marquis d’Andervilliers, et Léon, jeune clerc de notaire, vont rompre la monotonie de son existence...
On ne reviendra pas sur les tenants de Madame Bovary, roman au réalisme romantique enivrant s'attachant à compter le destin d'une héroïne perdue entre ses désirs et son rôle de femme dans une société écrasée sous le poids de ses conventions ôtant toute liberté.
De ce succès littéraire - dont les thèmes sont encore cruellement d'actualité -, Barthes offre une adaptation aussi honnête qu'appliquée et élégante qui respecte au pied de la lettre son matériau d'origine (même si la présence de l'enfant d'Emma a été purement et simplement oubliée), jusque dans la moindre parcelle de décors.
Propre sur lui et classieux, le film dépeint avec finesse le destin fade et peu grisant d'une Emma déçue par sa condition de femme mariée, étouffée par l'ennui constant qui rédige son quotidien et qui sombrera dans l'ivresse du luxe, affectif (les amants) et dépensier.
On expérimente avec une certaine empathie l'ennui d'Emma en même temps qu'elle le subit avec désespérance - tout comme dans le livre -, et on suit sa lente évolution de jeune femme crédule à mariée capricieuse et malheureuse avec un soucis du rythme remarquable (les deux heures ou presque du film, passent étonnement rapidement).
Mélancolique, tragique mais jamais fiévreux ni passionnel, beau mais trop sage et dénué de toute touche personnelle (Barthes adapte Flaubert sans en apportant le moindre petit plus qui l'a démarquerait des anciens essais), si le roman ne méritait pas forcément - bon, pas du tout - une énième transposition sur grand écran, force est d'avouer que ce Madame Bovary 2015 profite des compositions inspirées aussi bien de Mia Wasikowska (impeccable et captivante) que de Rhys Ifans (impressionnant) et Paul Giamatti (juste comme toujours) pour se légitimer un brin.
C'est maigre certes, mais c'est déjà ça.
Jonathan Chevrier
http://fuckingcinephiles.blogspot.com/2015/11/critique-madame-bovary.html