J'en attendais peut-être trop. Je ne connais pas du tout la carrière de Sylvie Verheyde, mais avoir un film français qui parle de proxénétisme (sachant qu'il y avait déjà un film sur Madame Claude réalisé par le réalisateur d'Emmanuelle) avec Garance Marillier et Roschdy Zem, ça me donnait envie.
La première demi-heure part plutôt bien, et puis ça s'effondre petit à petit. Avec cette ambiance assez insouciante et la liberté qui se dégage des lieux filmés dans une lumière tamisée avec des filles dénudées et toutes ces couleurs chaudes vient un premier problème : la peau des acteurs brille. Mais elle brille vraiment beaucoup, et ça m'a perturbé tout le long du visionnage du film. On a juste envie de leur hurler de filer à la douche tant ils paraissent continuellement en sueur, c'est laid alors que je suis à peu près sûr que ce n'était pas le but.
Il y a ensuite un souci pour moi avec la direction des acteurs. Beaucoup de répliques de Karole Rocher sonnent faux tant ses gestes ou son regard ne sont pas raccord avec ce qu'elle dit. La réalisatrice mise tellement sur le côté mystérieux du personnage de Garance Marillier que ça la rend aussi fausse par moment. Pourtant je ne doute pas du tout du talent de ces actrices.
Il y a un autre point qui m'a dérangé, c'est la façon dont sont utilisées les images d'archives bien réelles et comment les acteurs sont vieillis (puisque dans ce film, des années s'écoulent). En général dans un biopic on alterne entre le vrai et le faux pour piéger le spectateur. Par exemple, si je fais un biopic sur un personnage et que je montre un passage télé de lui. S'il y a un plan de loin, je prends le plan de l'image d'archive, s'il y a un plan de près, je filme l'acteur. D'un côté ça va ancrer dans le réel sans faire péter le budget si ces images sont très connues et que le spectateur les a déjà vu avant (il ne fait alors plus vraiment la différence entre le vrai et le faux), mais surtout ça aide pour la suspension d'incrédulité. Parce que lorsqu'on entend la vraie Madame Claude parler ça n'a rien à voir avec la façon de parler de Karole Rocher.
Et le dernier problème du film est de taille : j'ai eu la sensation que la réalisatrice ne savait pas quoi raconter, alors qu'elle est épaulée par deux autres personnes au scénario. Je ne trouve pas le film mal écrit mais il est trop artificiel vis-à-vis de ce qu'il raconte. Qu'on nous sorte un récit bien linéaire avec un début, un milieu, une fin ou une tranche de vie, peu importe. Mais là c'est ni l'un ni l'autre... Ça joue dans la cour du récit linéaire mais ce n'est même pas fichu de montrer des tranches de vie qui ont un impact les unes sur les autres. C'est dommage parce qu'en l'état le rythme du film n'est pas foncièrement intenable et qu'il y a des répliques qui passent bien même si les acteurs ne sont pas forcément bien dirigés pour les prononcer. Il y a aussi des scènes fortes puisque sans divulgâcher vous vous doutez bien que la vie de proxénète et la vie de prostituée ce n'est pas facile, et qu'il va y avoir de la violence dans ce film. Seulement on s'en débarrasse vite de cette violence. On nous balance des sous-intrigues (le père de Sidonie, la fille de Claude, etc.) mais on en fait rien ou pas grand chose. Il y a plein de petits éléments tout le long du film qu'on ne capte pas forcément, pourquoi tel personnage est à cran à ce moment-là, c'est qui lui, pourquoi untel fait ça, qu'est-ce qu'il fout là... Alors au bout d'un moment ça devient tentant de lâcher l'affaire. Mais bon, j'y croyais vraiment, j'espérais avoir une fin qui me calme, qui réponde à mes attentes ou bien qui me brutalise. Or, la fin gâche presque tout le film en nous confirmant qu'il n'y avait pas de but et que vraisemblablement personne ne savait comment finir ce film !
C'est du gâchis alors qu'il y avait beaucoup de potentiel, c'est dommage pour le film qui devait sortir au cinéma et se retrouve sur Netflix. Mais d'un autre côté, je ne vois pas comment ça aurait pu cartonner au cinéma (sujet sensible + bouche à oreille qui n'aurait pas été très bon donc c'est cuit) et ça ne fait pas non plus une très belle vitrine sur Netflix pour le cinéma français, alors que celui-ci regorge de qualités (et le synopsis et la distribution laissait entendre que ces qualités seraient au rendez-vous pour Madame Claude).