Quotidien à la fois attendrissant -mais surtout désespérant et déprimant - d'une chef de service administratif à l Hopital Nord de Marseille, à bout de souffle, très authentique et humaine, qui adore son métier, ....mais qui se languit de sa retraite !
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Ce documentaire fut touché par la grâce de la personnalité exceptionnelle de Sylvie Hofmann qui fait face à tout dans son quotidien galère. Elle consacre sa vie aux autres (famille, employées..) dans notre civilisation autocentree et même globalement égoïste. Elle se trouve donc isolée bien qu'elle soit perçue en madone, une sainte rescapée de l' Hôpital Nord de Marseille.
Le monde de la santé a basculé et ses acteurs s'interrogent. C est donc l'histoire d'une femme bienveillante dans une société post covid de 2022 qui a fondamentalement changé.
Malgré la présence forte de Sylvie Hofmann , ce film peut nous laisser un peu sur sa fin car il s'épargne (adroitement) une quelconque analyse sur le désastre social et professionnel de ce personnel, très mal payé, quasi abandonné par la puissance publique, et dont les jeunes recrues sont parfois tentées par l'hôpital privé mieux rémunéré. Il décrit une équipe qui se soude en mode survie. Sa vision est trop "légère" concernant ce thème.
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Et pourtant... la direction du documentaire est impeccable évidemment : tous les personnages oublient la camera et le ton naturel des propos - même intimes - surprend les spectateurs les plus aguerris aux documentaires sociaux. C'est le joker de ce film qui bénéficie en plus d'une photo superbe : les gros plans en voiture et la premiere scène au petit matin filmée par Elio Balezeaux auraient enchanté Godard. C'est filmé en scope avec brio dans des lieux exigus. On voit du cinema, du vrai.
Le son est" top" dans ce contexte difficile ( toutes les filles son bien équipées de micros) . La musique est dosée et discrète.
Réalisation :
Avec tout cela , le résultat reste assez frustrant : c'est l'exemple parfait du film bobo, prudent , pétri de bonté mais qui se garde bien de rentrer dans le vif du sujet social du naufrage lent de l'assistance publique, surtout à Marseille !...
Il souffre en plus des pathologies propres aux documentaires confortables dominants qui accusent une grande faiblesse d'écriture en amont.
La caméra vagabonde et la production pense qu'il en sortira toujours quelque chose dans les 140 heures de rusches pris au hasard du quotidien.
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Postérité.
Madame Hofmann fera cependant date car il pose un regard juste sur la condition féminine difficile dans ce miliieu médical.
Cette femme avec son authenticité exceptionnelle illumine le film de bout en bout ! . Elle a un aura sur son équipe. Or, bizarrement, elle n'était initialement pas prévue pour y figurer, elle n'était au départ que le lien de l'agence de casting pour trouver des telephones pour la préparation d'une fiction et puis ...ce fut elle. !! .
Un vrai miracle... et Lishitz n'en a pas profité.
Avec cette aubaine on a peine à comprendre pourquoi Sebastien Lishitz ne s'est pas transcendé derrière la caméra pour faire le film de sa vie.. Sa vision tendre , très "XXeme siècle" , sur notre XXIeme siècle de la santé publique qui se délite après le choc du covid met parfois le spectateur mal à l aise : son film ne va pas au delà du documentaire social basique Francais bien co-produit.
Il a préféré "cultiver l'authentique" comme l'aurait dit Daniel Auteuil dans Manon des Sources !!. Le grand talent de Lifshitz , c'est de montrer des solitudes interieures de gens qui appartiennent à des minorités.
J'ai donc été frustré par le manque d'audace du réalisateur qui ne s'interroge aucunement sur le contexte socio-politique et économique de l'hôpital public et ne va pas chercher dans les "angles morts" du quotidien pour poser les vrais questions.
Ce n'était pas son propos, il n'avait peut-être que deux objectifs assumés : voir ce qui se passait dans l'hôpital public "bunkerise" par le Covid et se délecter dans la découverte presque amoureuse du métier et du destin de Sylvie.
.Il vagabonde mais ne se pose pas.
.Pour se consoler , on sourit en écoutant les tête a tête entre Sylvie et sa mère, Micheline, ancienne aide soignante elle aussi. Dans ces séquences on est à la limite du document ethnologique !. On rit même parfois : sa mère n'a pas du tout les mêmes paradigmes , elle a un naturel pagnolesque , elle défend un monde judeo-chretien basé sur la souffrance et le renoncement, un monde qui n'existe plus chez oes jeunes, cette confrontation mère-fille tout a fait délectable car elle se masse dans une ambiance familiale , donc apaisée. Micheline est même rigolote, ce choc des générations passe ainsi me une lettre à la poste.
Ce documentaire rappelle donc aux cinephiles qu'il ne suffit pas de montrer des bons sentiments pour faire un excellent film !
C'est cruel mais c'est ainsi.
Quand on a la chance inouïe et rarissime de filmer une personne qui a un tel feu sacré, on la saisit au vol pour illustrer de grands sujets sociaux contemporains..
Je suis dur avec Sebastien Lifshitz ( pourtant Cesar du meilleur réalisateur documentaire en 2021 pour "Adolescentes") mais il a joué au montage la carte de la facilité, de l'esquive, en cumulant des discussions anecdotiques inutiles autour de cafés ou dans les couloirs , Sylvie est à deux doigts du burn out mais on ressent peu ses moments de tension qui motivent son vrai état anxiogène :la scene du bisutage du depart a la retraite n'apporte rien a la narration et elle s'éternise...
Loin de lui l'idée d'une entrevue entre Sylvie et le Directeur ! Il cadre son quotidien truffé de plans serrés mais ne provoque pas d'évènements choc par des plans larges..
C'est une vison centripete du documentaire qui n'ouvre pas le documentaire vers le monde extérieur..
Sylvie est génétiquement plus exposée que les autres à un risque de cancer; c'est sa principale angoisse. Ce thème aurait mieux valu d'être aussi mis en avant dans ses discussions intimes.
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FIlm inegal et non abouti : la personnalité de Sylvie aurait pu servir d'alibi pour une vrai réflexion sur l'hôpital. J'insiste.
Lifshitz s'est costumé en Guediguian du documentaire version Marseille.
Avec ses forces ....et ses limites , ses moments de grâce et ses zones de confort dans l'esthétique méridionale.
Il faudrait créer un prix pour Sylvie mais ça n'existe pas.
4/10.
Le film a presque la moyenne grâce à elle mais aussi à l' oeil Balezeaux. Pas de 8/20 pour un réalisateur qui a loupé une chance UNIQUE d'escalader un sujet important dans un doc grâce à une présence d'exception.