La favela comme lieu de liberté ? Le film d'Aïnouz fait résonner cette notion à travers plus d'un siècle, en partant de l'abolition de l'esclavage au Brésil en 1888 pour arriver au monde de 2002, encore conservateur, dans lequel il jette un film souvent provocateur. Qu'est-ce qui a changé entre les deux au juste ? Peut-être pas tant que l'on croit, puisqu'on arrive à faire une œuvre de cinéma aussi dérangeante que Madame Satã, artiste et criminel, l'était pour la société brésilienne des années 1930 ; pourtant les deux ont la même vocation de dénoncer l'élitisme et de renvoyer la faute de la lutte des classes à ceux qui ne savent pas voir au-delà de la délinquance.
Le film répond à une esthétique de carnaval garnie d'une grâce déchaînée issue des milieux les plus dépouillés. De ce fait, il n'est ni laid ni beau, ni professionnel ni amateur, et n'appartient pas vraiment à son époque. Généralement en retard cinématographiquement car il cherche à se rapprocher le plus possible d'une réalité morose et insalubre, il peut être dur à voir comme si on regardait un grand classique sur un vieux magnétoscope : c'est nostalgique sans qu'on sache trop pourquoi, et on a l'impression qu'on l'aimerait mieux si... si quoi ? Madame Satã aussi aurait sans doute mieux aimé le monde s'il avait été différent, mais alors son histoire n'aurait pas existé. Un film que j'aurais aimé ne pas avoir détesté.
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