The emotions you are having are not your own, they are someone else’s. You are not the cat — you are inside the cat.


Madeline’s Madeline” est un essai étrange au tiraillement émotionnel cathartique, un drame “coming of age” au montage fragmenté sondant la psyché d’une adolescente troublée. Cette dernière trouve un exutoire créatif quasi-utérin dans sa troupe de théâtre expérimental, qui adaptera sa vie dérangée comme pièce dans une désinvolte démarche d’appropriation. Via le malaise de son héroïne, Josephine Decker propose une expérience de visionnage exténuante, une étude des paradoxes de l’art moderne qui efface toute trace du langage cinématographique traditionnel pour aboutir à une aphasie filmique désorientante et furieusement novatrice.


Ce film est doté d’un cheminement narratif, esthétique et thématique inédit. Ineffablement dans son temps, il ausculte le trauma en tant que performance dans une myriade oppressante de relations prédatrices. Un terrain constamment glissant pour Madeline, victime aux allures de marionnette : l’incohérence des soins de sa mère et la manipulation de sa professeure de théâtre la renvoient inévitablement à sa condition de jeune femme noyée dans les tourments de son univers halluciné.


Madeline’s Madeline” se passionne ainsi pour les dissociations identitaires au long d’un grand huit visuel et sonore exacerbant la division cognitive inhérente à l’exercice du jeu. Madeline déborde d’une vivacité dingue, explosant le monde qui est le sien : une alternative floue et palpitante, un espace intermédiaire où s’estompent les frontières entre le fantasme et la réalité. La cinéaste rappelle que le métier d’acteur implique certes une certaine mise à nu, mais qu’il ne peut guérir l’âme en cédant à la fiction. L’art est un medium extraordinaire, capable de soulager ceux qui souffrent, mais jusqu’où doit-il aller ? Quelle est la relation entre art et exploitation ? Quel effet a l’exposition sur la fragilité et la vulnérabilité de l’individu ? Où est la ligne à ne jamais franchir pour éviter la folie ?


Kaléidoscope aux mille couleurs, “Madeline’s Madeline” est guidé par une force vitale qui manipule les sens pour nous inviter sur un terrain inexploré; celui d’un esprit humain confronté à la manipulation et à l’errance, avec pour plateforme le théâtre. Une petite merveille indépendante regorgeant d’idées, follement stimulante, et belle à en perdre les pédales.

Peachfuzz
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le 10 mai 2020

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