Comme ceux qui me suivent un peu dans mes critiques le savent, je suis un grand fan du cinéma sud-coréen actuel. Depuis une quinzaine d’années, c’est vraiment le pays qui produit les films les plus novateurs, artistiquement engagés, funs, décomplexés, … Rien que cette année, que ce soit au travers d’un blockbuster (Dernier Train Pour Bussan) ou d’une production plus intimiste (The Stranger), la puissance de leurs productions a une nouvelle fois éclaté au grand jour. Même si actuellement un paquet de cinéastes incroyables se sont imposés - comme Bong Joon-Ho (The Host, Le Transperceneige, …), Kim Jee-Woon (Le Bon, la Brute et le Cinglé, J’ai Rencontré le Diable, …) ou Na Hong-Jin (The Chaser, The Murderer, …) -, le maître reste incontestablement Park Chan-Wook ! Si beaucoup de monde le connait, même les non cinéphiles, c’est car le bonhomme est derrière un des films les plus marquants de ces 15 dernières années avec Old Boy. Cependant, il ne faut pas que cette incroyable réussite éclipse le reste de sa filmographie qui, de sa trilogie de la vengeance (Sympathy for Mister Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance) à son expérience américaine (Stocker), est incroyable. Le mec enfile tout simplement les chefs-d’œuvre et aucun film n’est à jeter dans l’intégralité de son œuvre. Autant dire que j’attendais avec une certaine impatience son nouveau film, Mademoiselle. Et bien je n’ai pas été déçu ! Il s’agit certainement de mon dernier grand coup cœur de l’année.
Mais me voilà cependant bien embêté, comment parler de Mademoiselle sans rien spoiler … Rien que de vous dire à quel genre appartient réellement le film représenterait déjà un spoiler … Sachez juste que le pitch de base est le suivant : un escroc engage une voleuse pour jouer les dames de compagnie d’une riche demoiselle vivant sous la coupe de son oncle. Il compte sur sa complice pour l’aider à séduire la jeune femme et l’épouser pour s’emparer de sa fortune. Je n’en dirai pas plus car Mademoiselle fait clairement partie de ces films dont il faut en connaître le moins possible pour l’apprécier à sa juste valeur. Le scénario, sans être spécialement complexe, joue à merveille sur les points de vue et les retournements de situations. Extrêmement bien écrit, il se déroule sur 3 actes nous permettant d’avoir 3 points vue sur l’histoire. Même si la dernière partie est un peu redondante, le tout se regarde passionnément sans créer ne serait-ce qu’une seconde d’ennui malgré la durée du métrage de 2h30. On suit avec intérêt le destin de ces 3 personnages que l’on apprend à connaître et découvrir un peu plus à chaque minute. Ouvertement féministe, comme beaucoup de films cette année, l’intrigue offre même à Kim Min-Hee un des rôles féminins les plus osés de ces dernières années.
Certains ont tendance à dire que pour faire un bon film, il faut avant tout une bonne histoire. À titre personnel, je ne suis absolument pas d’accord avec ce point vue et j’aurai toujours tendance à préférer un mauvais scénario magnifiquement mis en scène qu’une bonne histoire filmée avec les pieds. Quand est-il de Mademoiselle ? S’agit-il uniquement d’un bon scénario ? À votre avis ? On parle de Park Chan-Wook ! Le film est tout simplement splendide ! Du point de vue mise en scène pure, il s’agit tout simplement de son meilleur film. Le film joue et parle régulièrement de l’apprentissage de la peinture ou de l’importance de l’art. La beauté étant même le thème principal de l’œuvre. On ressent cette recherche de la splendeur au travers de chaque image et chaque plan. Pris isolément, l’on peut les comparer à des estampes asiatiques en mouvement. La beauté plastique devient rapidement un pur régal pour les yeux. Lorsque le film aborde l’érotisme, on retrouve exactement le même effet. À la différence de la pornographie, l’érotisme ne doit en aucun cas provoquer l’excitation du spectateur mais plutôt la mise en scène de la beauté au travers de l’acte sexuel. C’est exactement ce qui se passe ici ! Jamais vulgaire mais toujours extrêmement esthétique, Park Chan-Wook nous rappelle que le sexe et l’art peuvent être deux choses extrêmement proches.
Dois-je encore en rajouter ou vous avez compris ? … Que j’ai ressenti un réel amour pour ce film et vécu 2h30 merveilleuses en le découvrant ? Certes, il s’agit d’un film assez atypique au travers de la filmographie de Park Chan-Wook qui s’éloigne de certains de ces thèmes de prédilection. On retrouve une sorte de maturité que l’on retrouvait déjà dans Stocker. J’aurais tendance à dire que Mademoiselle est la première œuvre d’un génie qui a perdu un peu de sa fougue pour gagner en sagesse et respectabilité. N’y voyez aucune critique, les grands cinéastes sont souvent aussi remarquables durant leurs années folles qu’une fois devenus plus adultes. J’aime par exemple tout autant Seven que Gone Girl de David Fincher ou Trainspotting que Sunshine de Danny Boyle. Il en va de même ici, bien que placé à deux extrémités opposées de sa carrière, Old Boy et Mademoiselle sont pour moi ses deux meilleurs films. Il est parfois difficile de se rendre dans une salle pour découvrir un film coréen mais tentez l’expérience ! Croyez-moi, vous ne serez pas déçu du voyage ! À titre personnel, je pensais avoir été comblé cinématographiquement en 2016 et Mademoiselle m’a prouvé qu’on peut toujours en espérer plus … Ce film était certainement mon premier cadeau de Noël.
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