On peut considérer Mademoiselle comme le film somme du style de Park Chan-Wook. Il parvient ici à mélanger les thématiques récurrentes de son cinéma : les jeux de manipulation, machinations perverses, la vengeance, les retournements de situation... Tout en évitant les maladresses et les excès qui existaient dans certaines oeuvres précédentes. Le réalisateur est au sommet de son talent, il est arrivé à pleine maturité et dose à la perfection ses effets de mise en scène et son scénario.
Le récit nous prend à revers constamment. Il joue avec le spectateur, on croit être au courant des pires secrets, mais le scénario nous cache des éléments clés, il nous fait marcher, pour mieux les faire ressurgir plus tard. On commence l'histoire du point de vue de Sook-Hee, la fausse servante, qui s'est associée à un charlatan déguisé en honnête comte, pour qu'elle pousse une riche héritière à l'épouser. Le plan est d'ensuite quitter la Corée, partir au Japon, loin de l'oncle gênant, qui lui aussi convoite son héritage, se marier avec l'héritière, et d'ensuite la faire interner à l'asile pour se partager le butin.
C'est une intrigue de base déjà complexe et retorse, et elle sera encore plus exigeante au fur et à mesure de l'avancement, avec tous les retournements qui s'en suivront. Car Mademoiselle ne se limite pas à un seul point de vue, mais propose de revisiter des mêmes évènements plusieurs fois, en y injectant de nouvelles couches de révélations. Dans ce film, la trahison est omniprésente, ou presque, car elle s'arrête où il faut pour ne pas tomber dans la surenchère.
Le désir premier qui anime les protagonistes de ce jeu de dupes est l'appât du gain, l'envie de quitter la Corée, pour une nouvelle vie au Japon. Mais le désir qui surpasse les autres est celui de ces femmes: Hideko et Sook-Hee: leur désir de libération du joug des hommes et de s'émanciper de leur emprise mortifère. Dame Hideko est devenu dès son enfance, l'instrument des penchants pervers de son oncle et de la bonne société masculine de l'époque. Elle et Sook-Hee sont les pantins de la machination du faux comte Fujiwara. Qu'ils soient de milieu modestes ou riches, ces hommes ne désirent ces femmes que pour des intérêts pécuniers ou sexuels. C'est alors une guerre d'ingéniosité que livreront les deux femmes, pour échapper au destin qu'on leur a tracé et pour se venger de leur assujetissement.