Mademoiselle est clairement le style de film que je savais que j'allais adorer. Et le moins que l'on puisse dire c'est que dès les premières images, on nous fait comprendre que le prix Vulcain remporté à Cannes pour la meilleure photographie n'est pas démérité pour un sou . La direction artistique de Ryu Seong-hie, la photographie de Jeong Jeong-hun associées à la réalisation virtuose de Park Chan-wook nous offre une œuvre visuellement éblouissante.
Si certains veulent faire passer Mademoiselle pour une simple prouesse visuelle, aucunement en accord avec les sujets traités dans le film (mascarade, trahison, séquestration, amour impossible...pourquoi les personnages voudraient s'émanciper de leur environnement si celui-ci apparait si magnifique à l'écran ?) je pense au contraire que cette maestria visuelle sert adroitement le propos du film.
Il est ici question de pouvoir, de prendre le dessus sur l'autre, que ce soit par la crainte (l'oncle Kouzuki sur Mademoiselle Hideko), la fascination ( Mademoiselle Hideko sur Sookee) ou encore par la guerre (le Japon sur la Corée) et quoi de mieux pour montrer le pouvoir que l'on exerce sur l'autre que de transformer son environnement en prison idyllique, dont la beauté est la preuve ultime de notre supériorité.
Park Chan-wook épouse donc ce principe dans sa réalisation, il va abandonner les élans de violence crades et anarchiques, propres au cinéma coréen et que l'on peut retrouver dans d'autres de ses œuvres (Lady Vengeance, Thirst...mais aussi dans des films comme the Chaser ou J'ai rencontré le diable, totalement adaptés aux films en question) pour nous offrir des cadres arrangés à la japonaise, où tout est minutieusement à sa place et vient sublimé ce dernier même lorsque celui-ci semble simple, non sans rappeler Kurosawa. À l'instar du Japon colonisant la Corée, la conception japonaise du cadre vient "coloniser" la conception coréenne de ce dernier, les jeux de pouvoir s'opérant dans le film se remarque déjà à la réalisation.
Cette aspect s'illustre également par la construction narrative du film, empruntant beaucoup à Rashomon, avec plusieurs versions d'une même scène racontant à chaque fois quelque chose de différent.
Tout cela évidemment campés par des acteurs et actrices excellents, et une Kim Min-Hee absolument éblouissante, qui fascine le spectateur rien que par son regard, on tombe amoureux d'elle en même temps que Sookee.
Cela ne vous aura pas échapper, il est ici question d'érotisme et d'amour lesbien, sauf qu'on n'est pas dans une série Netflix pour ado(e) attardé(e) ( je rajoute des e parce que c'est généralement vous mesdames qui regardez ce genre de séries, désolé…) on a pas deux lesbiennes clichées qui crient au monde entier qu'elles sont lesbiennes parce que "on est trop différentes t'as vu !" avec comme adversaire un mec blanc cliché de l'homophobe. Non, ici la nature homosexuelle de leur relation n'est pas mit en avant, le film s'attarde sur cette attirance et cet amour qui grandit entre nos deux personnages, peu importe leur sexe, qui n'est jamais une réelle barrière à leur relation ; leur milieu d'origine (l'une une noble et l'autre une domestique) ainsi que leur ethnie (l'une Japonaise, l'autre Coréenne) l'est nettement plus.
On se retrouve alors prisonnier de la beauté du film tout comme Sookee se retrouve prisonnière de la beauté de Mademoiselle Hideko. Si Ken Loach a reçu la Palme d'Or de l'année 2016, pour ma part mon cœur ne peut s'empêcher de battre pour Mademoiselle.