Sujet délicat, premiers retours critiques partagés et quelques réserves personnelles sur les derniers faits et gestes de Pedro Almodovar, il ne m'en fallait pas moins pour craindre le résultat de Madres paralelas. Sans grande conviction, c'est la facette du cinéaste que j'apprécie le plus qui est ressortie à l'issue de ces deux heures de projection !
L'espagnol, une nouvelle fois, prend le drame social à pleine mains, et l'orne d'une succession jouissive de règlements de compte et régressions, naturellement dénuée d'humour, de couleurs remarquables, de plans étroits omniprésents, et de Rossy de Palma comme cerise sur la paella.
C'est le résumé idéal de Madres paralelas : un impeccable melting-pot de ce qui faisait la verve de Tout sur ma mère, Volver et un chouilla de Talons Aiguilles.
Celui-ci prend sens dans la dimension film d'enquête qui transparaît tout particulièrement dans la seconde partie, effusion de sang en moins.
Prenant comme point de départ la grossesse de deux très attachantes héroïnes, Janis (Penelope Cruz) et Ana (Milena Smit), le film entremêle affaires familiales, maternelles et funéraires. Une double intrigue bien ciselée en somme, représentant tout un petit monde en désordre dans ses deux extrêmes opposés : nourrissons et aïeuls.
Une fois n'est pas coutume, nous assistons à un portrait au vitriol - et paradoxalement, sans agressivité vocale aucune - de la parentalité très - trop pour certains - fémino-centré, ce qui d'un certain point de vue demeure un inconvénient puisque certaines de nos questions restent sans réponse. L'amant de Janis, Arturo, est écarté de l'intrigue, sans nul doute un choix volontaire de la part du cinéaste fort pour ce qui est de persuader.
Aussi captivant qu'il soit, le scénario est ponctué de clins d'oeil artistiques qui titillent notre curiosité et notre attrait pour le binôme ; l'exemple de la séquence sur Summertime, demeurant évident dès l'instant de la profondeur de champ sur Janis Joplin's Greatest Hits, est l'essence même du refuge où l'on puisse exprimer ce qu'on peine à monter en surface.
Mais la vie n'est pas un long fleuve tranquille, tel est le message de ce nouveau Almodovar. Nous sommes tous fossoyeurs de notre propre clan, et ceux qu'on attend ne sont pas toujours ceux qu'on croit. Terrible et pourtant si touchant de justesse, une oeuvre sincère et nécessaire que je classe illico parmi les plus grandes du monsieur.