Prototype du film high concept, le film en un seul long plan séquence d’une heure et quelques, ou dans des propositions plus mesurées en 4 ou 5 plans séquences, est devenu un genre en soi, qui peine souvent à justifier son dispositif autrement que par la virtuosité ou plutôt l’esbroufe et une volonté immersive souvent contredite par le défi technique.
On connait ses effets : on y navigue entre ultra-sophistication contemporaine (avec le suivi de personnage de dos conjuguant esthétique du jeu-vidéo et Elephant de Gus Van Sant ou son modèle Christine d’Alan Clarke) et archaïsme (du found footage, du « en direct », de sa fascination pour les puissances du cinéma - noir et éclat de lumière mimant le défilement pelliculaire, profondeur de champ etc). On y est plongé comme en immersion mais on y devient observateur distant, assistant à une énorme mise en place dans laquelle la caméra devient personnage principal.
La grande force de Mads, c’est d’avoir trouvé un sujet parfaitement adéquat pour cette forme : le film de zombie, monstre ô combien contemporain et archaïque, se déroulant pendant une fête sous influence - avec possibilité de jouer sur le partage du point de vue et la dissonance -dans lequel le dispositif de mise en scène incarne littéralement non seulement la logique de contamination allant de personnages en personnages mais aussi leur transformation en zombie, entre moment de fluidité et tremblements, maitrise et relâchement, tentative de raprochement et monstration de la monstruosité.
Le film, par de multiples procédés ne cesse ainsi de jouer des possibilités de travailler l’intériorité et l’extériorité, qu’il s’agisse de s’introduire dans une maison ou de vérifier si un intru a précédé notre arrivée, de travailler la subjectivité à travers notamment les choix sonores et de musique pour signaler par des ruptures la confrontation avec l’extérieur ou de suivre des personnages petit à petit en train de se dépersonnaliser et dont les vacillements et écroulements divers, voire les morts, ne cessent de risquer l’interruption du flux toujours renouvelé, même à terre, puisqu'on est dans le film de zombie.
Le film s’autorise de surcroit à travers l’ensemble de ses effets des scène du plus bel effet telle une incroyable séquence de voyage en scooter qui penche vers le crash, entre séquence romantique sur fond de musique, séquence hallucinée de bad trip naturaliste et embardée fantastique.
Si l’on ajoute à cela une façon d'ancrer l'oeuvre dans un trouble aussi indéfini que bien, concret, dans un jeu entre l’espace rural et l’espace urbain plutôt bien trouvé mais aussi en se focalisant sur des personnages adolescents désoeuvrés et aux classes sociales indéterminées - troublés et hystériques comme ils savent l'être, soit oscillants - dont les seuls contacts avec l’extérieur se limitent à des voisins hors champs, des adultes ou autorités qui ne parlent qu'au travers de téléphones, on aboutit à une proposition dans laquelle la question des frontières et du partage entre folie et maitrise, mental et objectivité, société et intériorité atteint une réelle cohérence et on en oublierait presque le défi technique, puisque celui ci est effectivement et pour une fois le sujet du film, qui est lui aussi contaminé autant que vecteur. Peu importe que l'intrigue soit peau de chagrin - ni mieux ni moins bien que la majorité des propositions du genre, car, ce que propose Moreau, c'est de faire du sujet zombie une proposition esthétique avant tout.