Écueil dans la filmographie de Denis Villeneuve, Maelström est le second long métrage du réalisateur canadien, après Un 32 août sur Terre, sorti deux ans plus tôt et présenté en compétition Un Certain Regard à Cannes, en 1998.
Là où l’excentricité du scénario (notamment celle des dates farfelues) donnait à son premier film une authenticité troublante et poétique, Denis Villeneuve s'empêtre ici dans une loufoquerie maladroitement alambiquée.


La première partie est excessivement brouillonne et fragmentée. Sur le papier, l'idée de départ d'un récit conté par un poisson semblait originale. Celui-ci, sur le point de se faire découper en morceau dans ce qui semble être une forge norvégienne, plonge d'emblée le long métrage dans le film de genre. Il nous faudra lire le synopsis pour comprendre que ce poisson est issu "du magma aquatique du début de la formation de l’univers"... Tout un programme.
Mais le film semble hésiter sur la manière de raconter son intrigue. Très vite, la solution du narrateur-poisson est doucement abandonnée, pour une narration plus classique, bien que morcelée.
C'est alors au spectateur de reconstituer le puzzle de l'intrigue : un avortement, une femme qui semble avoir des difficultés dans son travail, un accident de voiture qui cause la mort d'un homme.
Villeneuve serait-il traumatisé par un accident ? Car c'est également le point de départ d'Un 32 août sur Terre : le début de la remise en question de la vie du personnage principal Simone Prévost.


A nouveau Denis Villeneuve semble hésiter dans la tournure que doit prendre son film : alors que pour les deux premiers tiers du film, la chronologie des événements est explosée, montrant parfois sous deux angles différents une même scène de la vie de Bibiane Champagne, la protagoniste principale, la narration devient brutalement linéaire


dès sa rencontre avec le fils de sa victime, dont elle tombe amoureuse.


Ce rôle de jeune fille fougueuse et perdue dans un monde qui la dépasse est interprété par l'actrice à l'accent délicieusement canadien Marie-Josée Croze, dont c'est le premier film en tant que rôle principal. Maeltröm fut un tremplin pour sa carrière puisqu'on la retrouvera plus tard devant la caméra de réalisateurs comme Denys Arcand, Steven Spielberg, Tony Gatlif ou Nicole Garcia.


Une image outrageusement saturée, une caméra portée souvent tremblotante, un jeu d'acteur irrégulier : Maelström est un film inégal.
La déception que procura le film terminé fut d'ailleurs la cause d'une pause cinématographique de neuf ans pour Denis Villeneuve qui déclara à l'époque qu'il ne reviendrait "que lorsqu'il serait prêt à faire un film dont il pourrait être fier". Ce film, c'est le magnifique Polytechnique, long métrage esthétique et maîtrisé, acclamé par la Critique, sur la tuerie survenue à l'Ecole polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1989.

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le 4 mai 2020

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D. Styx

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