La mamma dice figlio è
A la croisée des chemins d'un cinéma de la chronique campagnarde sicilienne, acidulée emprunte de réalisme et de dérision à la Pietro Germi et du cinéma à connotation politique d'un Francesco Rosi...
le 11 mai 2017
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A la croisée des chemins d'un cinéma de la chronique campagnarde sicilienne, acidulée emprunte de réalisme et de dérision à la Pietro Germi et du cinéma à connotation politique d'un Francesco Rosi ou d'un Elio Petri, le film d'Alberto Lattuada commence comme une comédie à tendance sociale purement à l'italienne, c'est à dire emprunte de cruauté sans être dénuée d'une vraie profondeur, dans le plus pure style du cinéma du boom économique à la Dino Risi, pour se conclure dans une sorte de gravité quasi malsaine.
Pour édifier ce monument de justesse à la mise en scène stupéfiante de modernité et de fulgurances visuelles, Lattuada emploie l'excellentissime Alberto Sordi. Acteur incontournable de la grande comédie transalpine, n'ayant pas son pareil pour interpréter l'italien moyen dans toute sa splendeur et avec tous les clichés qui vont avec. Avec sa gouaille et son débit de parole au-dessus de la moyenne, son pas décidé et son physique passe-partout, il brille extraordinairement dans le registre tragi-comique du cinéma à tendance sociale.
Dans Maffioso, il interprète un contremaître docile et zélé qui retourne passer quelques vacances méritées, avec femme et enfants, dans sa Sicile natale avec pour objectif entre autre de remettre un paquet de la part de son employeur à un certain Don Vincenzo, figure emblématique de la Cosa Nostra.
D'un postulat de base au schéma narratif classique, on entre rapidement dans le vif du sujet. La confrontation culturelle Nord-Sud avec tous les clichés que Lattuada emploie avec une sorte de détachement et de second degré touchant au suprême. Tout y passe, la tradition qui se frotte au modernisme, les villageois contre les citadins, les riches travailleurs du Nord contre les chômeurs fauchés du Sud, et même jusque dans les caractéristiques physiques des gens, le père manchot, la mère drapée comme une religieuse et même la sœur moustachue! Tout un panel de clichets succulents qui avouons-le sont tellement grossièrement mis en évidence qu'ils prennent une dimension rocambolesque.
Scénarisé par les incontournable Agenore Incrocci (Age) et Furio Scarpelli (Scarpelli), les fameux Age Scarpelli, papes de la comédie italienne avec la présence au sript de Marco Ferreri, autre trublion du cinéma grinçant transalpin, le film d'Alberto Lattuada est un véritable condensé de tout ce qu'il faut faire dans un film pour lui donner une dimension au-delà des genres ou des sujets traités.
Aidé par la gouaille et le phrasé unique de Sordi, le film sort grandi non seulement par cet élément incontournable, qui avec Vittorio Gassman et Nino Manfredi, forme le plus grand trio du cinéma comique italien, mais c'est surtout par l'incroyable maîtrise tant sur le plan visuel, le film est splendide que par les effets de style d'une justesse et d'une modernité bluffante, il faut voir ces plans de déplacement dans New York lors de l'arrivée de Sordi dans la ville américaine avec ses grands angles et cette sorte de frénésie qui rappelle le meilleur du film-noir Hollywoodien.
Avec une idée de génie entre le plan de début et le plan de fin qui sont identiques mais qui prennent une connotation totalement différente voir opposée après l'achèvement, Lattuada prouve qu'il est un cinéaste majeur trop souvent occulté par l'histoire du grand cinéma italien au détriment d'autres génies qui prouve que Cinecitta donna l'une des cinématographies essentielles de l'histoire.
Un bijou de cynisme et de justesse appuyé par une sophistication absolue qui met magnifiquement en valeur l'opposition des cultures, fait habilement le lien entre le modèle capitaliste et le grand banditisme et donne à Alberto Sordi l'un de ses plus beaux rôles dans la peau d'un homme qui prend conscience de l'inéluctabilité de ses actes après avoir tenté tout le long du déroulement de l’œuvre de se voiler la face.
Un très grand film à voir et revoir.
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le 11 mai 2017
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