Attention : Film d'Auteur !
C'est étrange, très étrange - et surement la chose la plus étrange qui est arrivé dans toute mon année ciné. Ainsi, ça ne part de rien : revoir un film pas vu depuis trois ans, un film qu'on considère comme l'un des plus beaux du monde, s'attendre à rien de ce qui se passe désormais mais surtout à pleurer comme la première fois, applaudir à chaque scène ; et tomber de si haut. Si bien que je ne comprends pas en le voyant là exactement ce qui a pu susciter tant d'admiration béate la première fois. Si bien que mon avis sur ce film ne se limite pas à un "Je n'aime pas", mais bien à cette constatation définitive : Magnolia est un film moralement, cinématographique, formellement gerbant.
Je comprends avoir été séduit, à un moment où je commençais à m’intéresser réellement au cinéma et en quête de ce que les gens appellent peu clairement "film d'auteur", par ce film. Car c'est bien cela, Magnolia se veux avant tout être un guide, une démonstration d'auteurisme, si bien qu'il en devient une parodie de film d'auteur. L’obsession de PTA, ce n'est pas les grands sujets qui parcourent sa fresque (Rédemption, Regret, Vie, Mort, Solitude, avec des majuscules et une musique à la fin s'il vous plait), c'est clairement de faire naître dans la tête du spectateur ce sentiment épaté, admiratif. Le film n'a strictement rien à dire sur ses personnages, et les instants où il le tente, ça donne la fin du film : croulant sur les larmes, la musique au volume maximum, et ce message religieux à gerber.
Le pire, c'est que Anderson à du talent. Et voir quelqu'un qui gâche ainsi son talent, c'est pire que de voir un tâcheron faire sa daube sans prétention. Le film marche a peu près avant son climax attendu, déroulant ses morceaux de bravoure avec une neutralité confondante. Pas question de prendre position sur ses personnages, puisqu'il faut d'abord les placer dans le cadre. Formellement, le film veut tout maîtriser, tout calculer. Mais où est passé l'humain ? Magnolia est un exemple parfait de ce que la maîtrise au cinéma peut avoir de dangereux : la recherche du formaliste, oubliant ce que la démarche du cinéaste peut avoir d'humain, aussi.
Là où le film devient gerbant, c'est lorsqu'il se met en tête la prétention du politiquement incorrect. Non, Magnolia n'est pas politiquement incorrect. Il est en constant calcul, calcul d'une réaction, calcul d'une émotion. Et condamne tous ses personnages de manière abject moralement. C'est étrange de voir ce films deux jours après Match Point, grand film sur le hasard. Là où Match Point joue à fond la carte de son sujet, admettant volontiers que la maîtrise du cinéma ne peux absolument pas mimer la vie, car les limites du cinéma, c'est justement d'amener la vie à la connivence du message exprimé par l'auteur ; Magnolia fait le contraire. Sous couvert d'illustrer le hasard, il l’amène à la vision puritaine et extrêmement religieuse de l'auteur. Là où comme dans la vie, dans Match Point, les salauds réussissaient à s'en sortir, ici il souffrent de plus en plus, et c'est Dieu qui les punis. Comment cautionner une scène aussi affreuse que celle du suicide de Philip Baker Hall ? Après avoir à demi avouer le viol de sa propre fille, l'homme part se suicider. Dehors, des grenouilles tombent (référence évidente à la bible). Au moment d'appuyer, une grenouille traverse le plafond et enclenche le mécanisme, tuant l'homme. Comment échapper à la clarté du message ? Si ce n'est qu'il n'y a pas de hasard, que Dieu est là pour punir les traîtres et les salauds. Cette scène n'est pas le monument grotesque et absurde voulue par l'auteur. Elle est évidemment pire que cela.
En ce sens que Match Point aurait pu être fait pour qu'il existe l'exact contraire de ce film puritain et prétentieux, plus attentif à ses travellings admirables que ses personnages. Profondément poussif, le film vaut bien un retournage de veste en conséquence : il me fait tomber de bien trop haut.