Magnolia te prend et t'emmène. C'est un fait.
Si tu restes à quai, c'est que tu n'as pas de cœur.
Et puis c'est tout.
C'est comme une farandole mais avec des gens, un manège qui te fait croire qu'on va parler coïncidences alors que Paul Thomas Anderson t'emmène sur le chemin du paradoxe : la solitude sous toutes ses formes dans une mégapole. Bon il tourne ça au mélo, mais même si c'est un peu maladroit, un peu gros, quand c'est bien fait, on peut avoir envie d'en reprendre.
Anderson est malin, il sait y faire. Il te ferre en entretenant d'abord sa filiation avec Scorsese puis, il met ça de côté et opte pour du plan fixe à profusion. Et là, si t'as pas les acteurs, ça peut tourner en eau de boudin. Par chance, il les a.
C'est l'histoire d'une fille qui retrouve le sourire mais aussi celle d'un has been qui veut se refaire les dents pour donner de l'amour.
Il embrassera le macadam.
C'est l'histoire d'un type qui passe sa vie à écouter les gens mourir.
C'est l'histoire d'un mec qui est un peu Dieu et qui s'est fait tout seul.
C'est l'histoire d'une femme qui perd son homme et se rend compte qu'elle l'aime à en crever.
C'est l'histoire d'un flic qui perd son flingue. C'est l'histoire d'un type qui perd son boulot.
C'est comme un fil.
Il dépasse, alors tu tires dessus.
Et d'autres fils viennent.
Une phrase de quelques mots. Tu y reviens encore et encore, tu l'étoffes et ça fait une histoire.
Six histoires qui n'en font qu'une grande.
Ça se passe dans la Vallée de Los Angeles.
Il y a un vieux qui ressemble à un cadavre. Le crabe le dévore, consciencieusement.
Il meurt à la maison, comme dans les films. Sa femme, qui est beaucoup plus jeune que lui, vit assez mal la situation. C'est compréhensible même si on imagine qu'elle a la vie devant elle et quand on contemple le palace, du pognon pour voir venir. Sauf qu'elle l'aime. Elle l'aime comme elle ne l'a jamais aimé. Et pourtant, c'est trop tard, il en est à ses derniers souffles. Ce n'est plus qu'une ombre perdue au milieu d'un grand lit. Et elle prend tout ça pour elle, comme une punition personnelle de Dieu, l'ardoise à régler pour ses années de mensonges et de tromperies.
C'est l'histoire d'un mec qui picole tellement et depuis tellement d'années qu'il se contente de tourner comme un robot, de répéter les mêmes mots. Ça tombe bien puisqu'il bosse à la télé dans une émission qui n'a pas bougé depuis trente ans. Comme sur des roulettes mais c'est quand même pas ça. Alors, quand le crabe vient à son tour lui caresser les chevilles, il cherche sa fille pour s'excuser. Mais elle n'en veut pas. Alors elle tamise de la farine en la faisant passer par ses narines.
C'est l'histoire d'un gamin qui sait chanter Carmen en français et qu'on n'y comprend rien. Il aimerait être un enfant mais ce n'est qu'un jouet, au mieux un animal savant qu'on aime exhiber.
C'est l'histoire d'un homme qui vient pleurer ce père qui n'en a jamais été un, lui cracher sa haine juste avant qu'il parte. Pour que ça l'accompagne lors du grand voyage. Et qui veut le retenir. Tant pis si c'est l'heure.
C'est l'histoire d'une nuit où il a plu des grenouilles.
Jason Robards qui sortait de plusieurs semaines de coma et pour qui son rôle de Earl sera le dernier au cinéma est incroyable. Le mec qui jouait Cable Hogue pour Peckinpah. Cheyenne pour Leone. Là, tel un fantôme, prophétise et il fait de l'ombre à tous les autres, juste en bougeant difficilement ses yeux, en mimant une cigarette portée à ses lèvres.
Tom Cruise n'est pas en reste, c'est pas le genre à partir en croisière quand il faut être dans le film où il faut être et il impressionne en évangéliste du mâle, docteur es serrage de foufoune.
Julianne Moore, Phillip Seymour Hoffman, William H. Macy... enfin, je ne vais pas faire la liste, mais on est dans le costaud, c'est Ligue des Champions sur beIN, là, mon pote.
Donc je résume : Magnolia, c'est vachement bien. Faut juste avoir trois heures à écraser.
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