Beaucoup aimé cette première incarnation de Maigret par Jean Gabin. Je lui ai trouvé beaucoup de panache dans les dialogues et l'enquête, directement adaptée de Simenon, n'est aucunement gentillette, bien au contraire. Moi qui m'attendais à une petite résolution pépère d'un crime gentiment atténué comme c'est souvent le cas dans les films à papa de ces années-là me suis bien fait gentiment remettre à ma place.
L'autre bonne surprise, c'est que contrairement, encore une fois, à ce qu'on pourrait s'attendre de cette adaptation, tout ne repose pas uniquement sur le charisme dingue de Gabin. Alors certes, il est quasiment de tous les plans et mène les débats, aucune ambiguïté là-dessus, mais les personnages qui font vivre son enquête ont une vraie place dans l'intrigue, et parviennent, pour les plus importants, à dépasser leur simple fonction dans le script : Annie Girardot construit une intéressante complexité de femme torturée lors de ses face-à-face avec le commissaire et Jean Desailly est ébouriffant d'aisance en matière de joute verbale, sa première rencontre avec Maigret est particulièrement stimulante dans le genre.
Concernant l'enquête en elle-même, pas vraiment de surprise, pas de gros retournement de situation, on voit tout plus ou moins venir, mais on comprend vite que ce n'est pas son déroulement qui fait l'intérêt du film. Ce sont les personnages qu'elle fait interagir qui monopolisent la lumière. On pourra reprocher à l'intrigue son rythme un poil étiré —l'enquête dure un peu trop longtemps à mon sens—, pas certain par exemple que donner autant de place à la mère dans les derniers instants fut si pertinent. Mais peu importe, je ne m'attendais pas à m'amuser autant, en l'état ce premier Maigret/Gabin m'a fait passer un super moment, vivement la découverte de ses deux autres prestations dans la peau de l'emblématique commissaire.