Joël Séria restera connu comme le réalisateur des Galettes de Pont-Aven. Ne nous délivrez pas du mal marqua pourtant le début d'une carrière qui aurait pu mettre le feu aux poudres. Par certains aspects, ce film était en avance sur son temps. On ne compte plus aujourd'hui les oeuvres diverses mettant en scène la perversité, la cruauté, la non innocence de l'enfance, bref, le mal pur et gratuit qui se tapit sous l'eau qui dort (quant au lesbianisme latent, il est désormais si manifeste dans les films contemporains que ça en devient lassant; d'autant plus lorsqu'il ne fait que réfléter les démons de midi du réalisateur).
Il y a des scènes puissantes dans ce film, qui ont fait sa réputation et lui ont valu d'être censuré à sa sortie. Il y a aussi quelques défauts de scénario qui en font plus un film d'ambiance et de moeurs qu'autre chose. L'essentiel du suspens vient du fait que l'on ne sait jamais ce que réservent les deux gamines à leur entourage, au monde tranquille qui voudrait bien ne pas souffrir; sauf qu'elles en ont décidé autrement. Oui, un vrai manuel de la cruauté, un digne héritage de Sade et d'Artaud (avec une pointe de Chabrol; soit dit en passant, personne ne filme les armoires normandes comme Joël Séria.)
C'est surtout l'occasion de voir le meilleur rôle de Catherine Wagener; tombée ensuite dans l'érotisme soft et ridicule (Max Pécas !), elle a cessé de tourner en 1976 pour sombrer dans l'oubli le plus total et mourir de misère en 2011. Comme quoi, le cinéma ne délivre pas tout le monde.
Le plus important, c'est qu'il permet de comprendre enfin ce qu'ont dans le crâne les gamines qui ricanent...