Alice et Lisette sont deux jeunes alsaciennes, nées françaises dans les années 1920 et forcées de devenir allemandes en 1940 (l'Alsace et la Moselle ont été annexées par l'Allemagne après l'armistice, Hitler les considérait comme des régions allemandes, elles n'ont pas été simplement occupées comme le sera le reste du territoire français). Les deux filles sont réquisitionnées par le Reicharbeitsdienst (le travail militarisé obligatoire du Reich, pas du tout la même chose que le STO). Alice est plutôt du genre rebelle et tête brûlée et fait tout pour se faire punir en voulant rester française dans sa manière de vivre tandis que Lisette se résigne à son sort et obéit comme elle l'a toujours appris.
Je l'ai attendu au tournant celui-là, raison familiale entre autres (ma grand-mère paternelle a été concernée), et je préfère tout d'abord vivement conseiller la lecture de ce recueil de témoignages qui lui n'a rien d'une fiction, si le sujet vous intéresse, c'est très bien fait : http://www.senscritique.com/livre/Malgre_elles/8369745
Jusqu'à environ 50 minutes, ce film relate avec une plutôt bonne fidélité le quotidien ce ces filles forcées à servir la machine de guerre allemande et à qui rien du bourrage de crâne de l'idéologie nazie ne fut épargné. Obligation de "germaniser" le nom quand ça sonne trop français (de Fabre à Faberlisch par exemple), discipline militaire, salut au drapeau, serment au Führer, corvées, interdiction de parler français... Il y avait bel et bien matière à mettre en lumière un sujet délicat et hélas assez mal connu ou mal compris de cette sale guerre, on parle des Malgré-nous pour les jeunes alsaciens et mosellans forcés de combattre dans l'armée allemande, mais les jeunes filles n'ont pas été épargnées et il leur fut de manière générale tout aussi difficile d'en parler après 1945 quand elles sont redevenues françaises.
Le sujet est donc très bien amorcé MAIS...
À la 50ème minute, les deux filles sont envoyées dans un Lebensborn (une pouponnière SS pour faire naître et élever des bébés "de pure race aryenne" de femmes allemandes ou de femmes des pays occupés, une des innombrables lubies eugénistes du régime à cette époque) et du coup ça pose un gros problème, le sujet initial sur les incorporées de force en perd de son intensité pour se focaliser sur un autre bien plus hasardeux qui, bien que réel lui aussi, n'a aucun lien attesté avec l'Alsace-Moselle, je n'ai pas non plus souvenir d'avoir lu de témoignages de survivantes concernées.
C'est vraiment dommage, il paraît que ce sont les producteurs qui ont retouché le scénario initial car "il ressemblait trop à une histoire de STO" selon eux, "pas assez vendeur soi-disant, c'est dire leur niveau d'imbécillité, pour rester poli.
La partie du film qui suit cette entrée au Lebensborn réserve tout de même son bon lot de pathos de guerre classique et surtout d'horreur qui s'abat sur l'une des deux héroïnes. Dans l'ensemble, pas grand-chose à redire des acteurs et actrices, tout à fait corrects et dans le ton pour un téléfilm, d'ici à ce que le sujet atteigne le septième art un jour c'est pas gagné de toute façon.