Malmkrog est un film sur la dialectique et la philosophie qui évite d'entrée toute forme de consensualité et de complaisance envers le grand public non initié et franchement, j'ai envie de dire qu'il en faut des films comme ça. J'aimerais même dire qu'il en faut plus, même si quelque part leur rareté les rends plus précieux. On a pas un film qui va choisir la facilité en lissant son et ses propos pour favoriser son accessibilité au plus grand nombre et ainsi niveler son intérêt et sa portée vers le bas, non, on a un film jusqu-au boutiste dans l'exigence de sa narration et ça fait un bien fou au cerveau.
Certaines mauvaises langues qualiferont ça bien évidemment d'élitiste et de branlette intellectuelle mais pousser des réflexions intellectuelles et promouvoir l'exercice du débat, de la culture et de la raison est-il une démarche élitiste si celle ci cherche à tirer les gens un miminum curieux vers le haut ? Malmkrog nous rappelle que c'est aussi au spectateur d'y mettre du siens quand il s'agit de comprendre un film complexe et que tout n'est pas qu'une affaire de divertissements simplistes à sens unique dans les efforts.
Ici on a un groupe d'aristocrates et de bourgeois de toutes confessions et opinions qui vont débattre pendant plus de 3 heures sur pleins de sujets clivants et le film fait de la confrontation d'idées, de l'opposition et de l'adversité argumentative son leitmotiv; et pour peu qu'on s'intéresse déjà un peu à ces questions on trouvera ça passionnant tant ça arrive à traiter et à aborder une grande densité et richesse thématique qui va à chaque fois au bout des choses tout en étant constamment édifiant.
Franchement j'aurais pu moi aussi trouver ça vain si on était tomber dans un simple exercice de rhétorique du beau parler mais ici c'est plus que ça : c'est un film qui embrasse et qui promeut la dialectique à la fois d'une façon très exigeante et complexe mais aussi très limpide curieusement. On sent une réelle volonté de pousser de vraies réflexions développées et constructives. On devine que ça doit en parallèle bien dénoncer l'entre soi de ces gens complètement déconnectés du reste et de ce qui les entourent et ça le fait par pleins de petits moments de malaise bien trouvés. Quelque part c'est peut être même en filigrane plus un film anti-élitisme qu'autre chose.
Je n'ai pas trop eu de difficulté à tenir le fil (du moins pas autant que je ne l'aurait pensé) malgré les longs moments d'exposition où chacun des protagonistes va exposer son point de vue car toutes les thématiques me parlent mais aussi parce que la narration est brillante de maîtrise, parce que c'est joué à la perfection, parce que l'écriture est irréprochable et parce que la mise en scène est sans faille. Malmkrog donne du goût à la pensée, au débat, à la réflexion et il le réussit de la meilleure des manières.
Ce que j'ai apprécié dans ce film c'est aussi qu'on nous ne dise pas explicitement les religions et les croyances des personnages (on sait juste qu'Edouard est athée), c'est à nous de le deviner à travers les causes et les thèses que défendent les protagonistes (ça sera plus facile pour certains que pour d'autres). Ce qui nous oblige à bien suivre et écouter.
Malmkrog réussit un parfait numéro d'equilibriste en étant jamais boursouflé ni pompeux, en ne se voulant pas consensuel mais pas élitiste non plus et tout ça résulte quand même d'un sacré tour de force compte tenu de l'ambition de la proposition. En plus ça utilise très peu les notions de montage et de découpage, du moins celles-ci savent s'effacer pour favoriser le reste, on a juste pleins de plans de caméra fixes et ça fonctionne juste trop bien. Ici pour insuffler du rythme au récit c'est via la narration, les dialogues et ces fabuleux numéros d'acteurs...
Un film fleuve dingue, que ce soit formellement comme dans le fond.