Malpertuis est un film qui a pointé le bout de son nez dans ma watchlist après la lecture de l'oeuvre originelle : le roman Malpertuis de Jean Ray. Un livre intriguant et éminemment mystique qui laissait une grande place à l'imagination du lecteur. J'étais donc assez curieux de découvrir ce que cette oeuvre peu propice à l'adaptation pouvait donner dans un film, d'autant plus un film datant du début des années 1970, cela me semblait très audacieux.
La première chose qui frappe dans Malpertuis c'est son casting, y voir de nombreux acteurs français aux cotés d'Orson Welles c'est assez particulier. Chose assez incompréhensible, bien que les acteurs soient français, américains et anglais la VO est en néerlandais, cela doit avoir quelque chose à voir avec le fait que le réalisateur soit belge mais c'est vraiment une drôle d'idée et c'est très désagréable. Hélas, la présence d'Orson Welles n'apporte pas grand chose et il a visiblement coûté si cher que les trois principaux protagonistes féminins sont joués par la même actrice (on peut y trouver un sens dans le final du film mais j'y vois surtout un manque de moyens). Sinon les autres membres du casting sont tous en surjeu constant, ce n'est pas grandiose - à noter la présence anecdotique mais bien réelle de notre cher Johnny, l'espace de quelques secondes lors d'une des premières scènes au bar.
S'il en suit la trame globale et en reprend le concept final, le film se détache assez vite du livre, sans doute pour accroitre le mystère (notamment en supprimant le premier chapitre du livre qui donnait des indices), mais paradoxalement le film finit par donner si peu d'indices qu'il est impossible de se laisser prendre dans l'histoire. En effet, le secret de Malpertuis est on ne peut plus fantastique, mais le film refusant (ou n'ayant pas les moyens) de faire apparaitre ces éléments fantastiques nous donne juste l'impression de regarder une famille hyper glauque ou un asile psychiatrique. Là où le livre distillait savamment les éléments fantastiques du récit pour le mener à son apogée, le film n'est pas à la hauteur de ses ambitions et pose juste deux trois indices faiblards et si mal faits qu'on en saisit pas l'aspect surnaturel avant de nous balancer la réponse à l'énigme à la zeub, dans un final des plus brouillons.
En plus de cela, la fin se fait en quatre parties : vrai fin du roman, fin nulle où en fait c'était un rêve, mais en fait fin nulle où il était fou et c'était dans sa tête à notre époque en plus, ah non arrêtez tout, tout était vrai !!!! C'est très poussif mais ça m'attriste de dire que c'est plus original que le reste du film.
Au niveau de l'ambiance globale, le film me fait étrangement penser aux moins bons films de Fellini avec ses maquillages exagérés, ces décors hauts en couleurs et si kitsch qu'ils en deviennent très cheap. L'unité de lieu apportée par le scénario n'est pas très bien reprise dans les décors : on a l'impression qu'à chaque pièce les personnages sont dans un lieu différent ce qui ne permet pas de donner l'inquiétante étrangeté souhaitée et ne donne pas vraiment à Malpertuis le caractère oppressant qu'il mérite, il est assez affligeant de constater que les seules scènes correctes sont celles qui se passent en dehors de Malpertuis. Le montage du film n'est pas si mauvais, certaines transitions notamment arrivent à coller à l'aspect mystique du film mais c'est si peu au regard des nombreux points faibles évoqués précédemment.
Le Malpertuis d'Harry Kümel est donc selon moi un assez mauvais film, ennuyeux et poussif, ne parvenant pas à capturer l'étrangeté qui devait être son essence. C'est d'autant plus surprenant lorsqu'on sait qu'il a réalisé un an avant Les Lèvres rouges, film fascinant et mystérieux sur les vampires, auquel il a conféré une ambiance qui aurait bien collé à Malpertuis.
Il y a tout dans le scénario de Malpertuis pour en faire une oeuvre cinématographique de qualité, ce roman mériterait une nouvelle adaptation, avec sans doute plus de budget et surtout une équipe maitrisant le fantastique et le mystique capable de lui s'insuffler une âme, chose n'ayant pas été faite dans ce film.