Du haut de ses 30 ans, Home Alone offre une belle lecture fortuite du climat social et l'éthos politique derrière l’ère Clinton jusqu’à vers la guerre qui n’a jamais eu lieu.
Plus que les superproductions antérieurs comme Top Gun, Le Flic de Beverly Hills, Independence Day, ect. Home Alone est un blockbuster à taille humaine. L'histoire d'un garçon de neuf ans (Macaulay Culkin) qui quitte accidentellement la maison alors que sa famille s'envole pour les vacances de Noël en France, Home Alone explore un dilemme facilement identifiable pour n’importe qui. Le petit Kevin doit se débrouiller tout seul, voire combattre deux cambrioleurs comiques qui ont épier sa maison dans la banlieue de Chicago.
Il s'agit d'une histoire de David et Goliath, d'une fête de gamins, d'un faux thriller et d'une histoire de vacances sentimentale en un - chacune étant habilement mélangée pour que son attrait perdure jusqu'au Thanksgiving, Noël, Hanukkah, Kwaanza, le jour de l'An, le Martin Luther King’s day, les Anniversaires et la Saint-Valentin, sans fin en vue. C'est certainement parce que Home Alone a ce qui manquait à Top Gun, Beverly Hills Cop, Flashdance et plusieurs autres - du charme. Mais c’est un charme œcuménique particulier qui fait appel à des idées sur la vie américaine que presque tout le monde accepte comme idéalisme aujourd’hui.
Ça commence par le mythe de la famille - nombreuse, bruyante et unie - et dramatise ensuite la séparation d'un enfant. C'est quelque chose de primaire, mais cela ne s'étend pas à une exploration sociale ou historique comme celle que Spielberg a donnée après le moment de la séparation dans L'Empire du Soleil. Home Alone - le titre est pratiquement un haïku d'isolement solipsiste - reste au foyer alors qu'il élabore une défense de la propriété.
Sans jamais atteindre un moment de grâce ou de douceur à la Spielberg, Home Alone montre le producteur-scénariste John Hughes et le réalisateur Chris Columbus exerçant certains des principes nationaux de base de la vie culturelle américaine universalisé.
En fait, même pour certains Américains de nôtre époque, la surface visuelle de Home Alone est presque aussi exotique qu'un film étranger. La maison de banlieue de trois étages de Kevin possède les immenses et confortables équipements d'un manoir de rustre de l'époque où l'aristocratie américaine vivait encore dans la ville. C'est une version d'après Seconde Guerre mondiale du manoir des Magnifiques Ambersons, le genre de maison qui, dans le Midwest, a été laissé en ruine dans ce qui est aujourd'hui le centre-ville.
Home Alone met à jour le luxe entièrement américain au seul endroit où il peut exister (les banlieues) et avec le genre de chaleur et de splendeur visuelle que l'on associe à la fable : la maison de Kevin a un éclat de bois laqué qui n'est pas sans rappeler le grand tournant du siècle. Les chambres à coucher, les escaliers, les vidéos, les tapis, les jouets et autres signes visuels d'abondance ont dû frapper la plupart des téléspectateurs européens de 90 comme un souper chez les Rockefellers (pas chez les Trumps à cette époque, le décor est de trop de bon goût et WASP).
Hughes est typiquement rusé dans la manière dont il dépeint l’Amérique privilégiée en lui accordant un traitement honnête (le secret de ses meilleurs films Sixteen Candles, The Breakfast Club, Ferris Bueller's Day Off et Planes, Trains and Automobiles,…)
Autrefois, Hollywood mettait l'accent sur la sentimentalité comme faisant partie de l'illusion de l'unité morale du pays ; sans doute les gens y croyaient-ils à l’époque, mais Hughes est un produit parfait de l’ère Reagan car il ignore quiconque ne croit pas au mythe américain originel. Il fournit les sentiments de quelques-uns comme le rêve du plus grand nombre. C'est ce qu'on appelle l'hégémonie, et bien que la plupart des gens ne ressentent pas de lien entre les exploits guerriers de Kevin et la mise en scène du golfe Persique, le résultat et le même.
Home Alone est également significatif dans la façon de Columbus, dont la représentation de l'idéologie des banlieusards est un peu plus douce, moins cynique que celle de Hughes, est capable de construire une sorte d'atmosphère innocente : Kevin est toujours un enfant dans son comportement, en particulier lorsqu'il fait preuve d'esprit avec les vendeurs ou le vieux voisin solitaire du quartier, ou lorsqu'il se moque de sa mère (une caractérisation laconique et efficace de la part de Catherine O'Hara). Kevin montre le cœur et l'ingéniosité de l'enfant américain idéal choyé. Il est un homologue en direct de Bart Simpson et de Denis la malice plutôt qu'un garçon de messe puritain des années 90, ce qui rend ses points faibles d'autant moins pâteux.
Il est normal que le personnage du cinéma américain le plus emblématique de ces années 90 soit un enfant. La figure de proue a toujours été l'enfant, incarnation de la « postérité » et à la fois source d'inspiration et cible du commerce à travers l’industrie musicale, les bandes dessinées, les jeux vidéo, la télévision et le cinéma. Ce que Colombus maîtrise à la perfection, car il place tout à la taille de Kevin. On comprends pourquoi il seras celui qui, une décennie près plus tard, envoie Harry Potter à Poudlard au grand écran.
Home Alone procure du rire, de l'émotion et bien plus qu'un indice sur ce que signifie la culture pop américaine à l’ère Clinton. Une tradition qui perdure beaucoup mieux que “Le Père Noel est une ordure”.