Qui dit Noël, dit également rediffusion annuel du grand classique de Chris Colombus : Maman, j’ai raté l’avion !. S’il y a bien une oeuvre qui sera parvenu à s’inscrire dans la culture populaire au point d’envahir toutes les chaumières des pays occidentalisés, c’est bien celle-ci. Les daronnes et ménagères ne s’en lassent jamais et le font tourner en boucle, rayant la galette plus vite qu’Hamilton n’use ses freins. Le film est devenu un véritable objet de culte et de parodie sur internet. Même son principal interprète Macaulay Culkin en est réduit à singer ses propres mimiques à la télé pour se payer de quoi se farcir les veines pour le réveillon. Il faut croire que se faire agresser chez soit doit avoir des effets à plus ou moins long terme sur la psyché. Avec le temps, les plus sadiques d’entre nous en viennent à espérer voir les casseurs flotteurs gagner et lui rendre la pareille en l’enrubannant dans un cellophane pour en faire une pinata. L’engouement autour du film ne désemplit pas auprès des nouvelles générations, grâce à ses pics de comédies slapstick, ses gags outranciers et l’universalité de son sujet.


Alors que les McCallister s’activent à préparer le grand départ, le petit Kevin joue des coudes pour exister, chahutant avec ses frères et sœur pour une simple part de pizza. En éternel souffre-douleur, l’enfant se verra privé de dîner et devra dormir dans un grenier humide et froid avec les rats faute de chambre à disposition pour lui. Et comme-ci cela ne suffisait pas, ses parents vont l’oublier au moment de prendre leur avion à destination de Paris. À force de souhaiter voir ses proches disparaître, l’odieux garnement verra son vœux le plus cher s’exaucer : pouvoir passer les fêtes pénard sans avoir à supporter la connerie de son entourage. Sa mère va alors se battre contre vent et marée pour le retrouver. Mais un duo de malfaiteurs vont chercher à profiter de l’absence de toute la famille pour cambrioler la maison. À la charge du cadet d’assurer la défense de sa propriété comme le ferait tout bon compatriote républicain : à la fureur d’un fusil chargé de plomb et d’une série de pièges particulièrement retors.


Difficile de nier le point fort du film sur lequel les enfants ont portés leurs fantasmes pour les reproduire à la maison. Le sadisme de ces chausses-trappes et guet-apens constitués de pointes acérées, d’objet contondant, de pistolet à clous, de pots de peintures et de fer chauffé à blanc est clairement à mettre en corrélation avec le propre désir du spectateur de voir les acteurs feindre de douleur en prenant des pauses et grimaces toujours aussi peu avantageuses. Mais c’est aussi l’effet domino précédant les coups qui en souligne leur perversité. Tout le film est construit comme une successions de gags et de pauses récréatives pour sale gosse donnant quelques vertiges aux parents. Si nous devions faire de la psychanalyse de comptoir, le mal être existentiel du jeune Kevin doit certainement expliquer son tempérament impulsif et mesquin.


En filmant à hauteur d’enfant, Chris Colombus cherche à placer le public dans les mêmes dispositions que son principal interprète, en accentuant la dangerosité de son environnement. Dès lors une simple ascension sur une étagère, ou une descente en luge mal négocié dans les escaliers pourront susciter autant d’euphorie que la crainte d’assister à un accident domestique. Le réalisateur traite également des terreurs infantiles, par le biais d’une légende urbaine locale destiné à effrayer le voisinage ou bien à l’aide d’un simple ressort horrifique comme le rugissement d’une chaudière aux portes carnassières faisant travailler l’imagination de l’enfant, et donc par extension celui du spectateur. Les scènes de la vie courante deviennent alors une aventure hors du commun. Faire ses courses dans un magasin nécessite de tromper la vigilance d’une caissière ou de semer un agent de la sécurité. Une simple livraison de pizza peut même aboutir à un sordide fait divers. À l’heure des attentats terroristes et tuerie de masse aux Etats-Unis, cette mauvaise plaisanterie pourrait même être considéré comme le morceaux le plus subversif du film.


Maman, j’ai raté l’avion ! échappe en grande parties aux niaiseries traditionnels des contes de Noël (l’importance du partage, de l’amour et des liens familiaux) grâce au comportement égoïste et attachiant du jeune Kevin. Ce dernier ne reviendra sur ses odieuses paroles qu’après s’être retrouvé éculé face au danger, et aperçu du misérabilisme de sa profonde vacuité. Et puis, passer le réveillon seul sans avoir de cadeaux à déballer constitue probablement la plus grande punition que l’on puisse infliger à un enfant. L’épilogue affiche néanmoins une volonté de réunification familiale pour promouvoir les bonnes valeurs morales et s’achever sur une note plus positive. Pourtant il ne suffit pas de quelques artifices, accolades, et bon sentiments pour effacer toute une liste de mauvais comportements : les commérages de voisinage faisant passer un sinistre vieillard pour un serial killer, l’individualisme forcené des McAllister, le manque d’encadrement des parents, la malveillance d’un grand-frère antipathique et pervers, ou les sempiternelles querelles opposant les membres de la famille. C’est qu’on en oublierait presque le véritable esprit de Noël au milieu de tout cela.



En cette période de festivités où il convient de se réunir en famille, d'ouvrir les cadeaux et de déguster une bonne pintade fourrée. L’Écran Barge vous propose de déterrer la hache de guerre en pervertissant l'esprit de Noël. Cette sélection de films saisonniers accompagnés de critiques virulentes et acerbes est donc réservés aux viandards, aux bisseux, aux tueurs de masses, aux durs à cuirs, aux frustrés et à tous ceux qui ne croient plus aux bons sentiments et à la paix dans le monde depuis bien trop longtemps.

Le-Roy-du-Bis
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le 8 déc. 2024

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