La sensation du froid, cet état synonyme de faiblesse que personne ne souhaite ressentir. Les manteaux matelassés portés par-dessus trois couches de laines épaisses, les gants ajustés aux mains rougies par la fraîcheur ambiante, les bonnets vissés sur les crânes… Manchester by the Sea glace nos cœurs en pleine période de fêtes de fin d’année.
C’est l’introduction qui est faite dans cette œuvre, à travers les paysages voluptueux de ce petit état du nord-est américain. Progressivement, les plans dévoilent le lieu de l’intrigue de l’histoire : tout d’abord sur la mer, puis le port, pour finir sur le continent dans cette ville de classe moyenne.
On découvre alors Lee, protagoniste dénué de tout sentiment, tant il reste inerte face aux agacements des habitants logeant dans les immeubles dont il est le gardien. Lorsque son grand frère Joe décède d’une insuffisance cardiaque, c’est à lui que revient la charge de son neveu Patrick, jeune adolescent plein de vie et avide de la découvrir. Il doit alors revenir dans sa petite ville natale, où il est devenu le paria de toute une communauté, et se trouve confronté à son passé déchirant…
La construction du récit est étonnante car le drame à l’origine de la douleur dans laquelle Lee est emprisonné, mettra un certain temps à se dévoiler. C’est par le biais d’un flashback intense que nous sommes amenés à découvrir cette tragédie qui changera à jamais cet anti-héros. Ces retours dans le temps vont alors devenir récurrents tout au long du film, permettant d’éclaircir un peu mieux le présent.
Entre scénettes de vie enjouées (à travers certains dialogues pétillants entre l’adolescent et son oncle) et les drames profonds qui se succèdent, l’émotion est très présente pour toute personne empathique.
Les scènes marquantes, muettes de tout dialogue, sont accompagnées par une musique classique lancinante, ajoutant un charme indéniable à ce mélodrame.
Tout en retenue, Kenneth Lonergan offre ici un film objectif, dans le sens où son point de vue n’influe pas sur la narration de l’histoire. En effet, sa caméra reste en permanence à hauteur de la tête, comme s’il ne voulait pas juger ses personnages. Ceux-là sont brillamment interprétés, notamment Casey Affleck qui suggère les émotions de Lee tout en les contenant. Il est étonnant de savoir que Matt Damon devait camper ce rôle à la base, cela n’aurait pas du tout donné le même rendu. Michelle Williams ponctue parfaitement les séquences dramatiques et se voit elle aussi dotée d’un très beau rôle. Quant à Lucas Hedges, son jeu apporte une touche de légèreté au film. A noter que ce dernier et Kara Hayward – qui joue le rôle de sa petite amie – sont tous les deux au casting du très bon Moonrise Kingdom de Wes Anderson ! De jeunes pousses en devenir…
Produit par Amazon Studios, cette multinationale très controversée prouve qu’il est possible d’utiliser ses ressources à des fins artistiques. À l’origine ce script était l’un des meilleurs scénarios n’ayant pu trouver de financement. Chapka bas !
Verdict
Le film qui a fait sensation à Sundance pourrait bien vous faire sortir vos mouchoirs… Allez-y les yeux ouverts !