Chez Dupieux, le pitch est une fête : pour qui connaît son cinéma et la niche de plus en plus en vue qu’il occupe, les promesses sont toujours sémillantes, entre un pneu serial killer ou un individu tombant amoureux de sa veste en daim. Mandibules ne fait pas exception : il faut avoir son cerveau clivé pour imaginer une intrigue où deux abrutis se retrouvent face à une mouche géante qu’ils espèrent pouvoir domestiquer pour en tirer profit.
Grégoire Ludig, déjà présent sur Au Poste, est désormais rejoint par son comparse du Palmashow David Marsais : si l’idée d’une rencontre de deux notoriétés complémentaires est intelligente sur le papier, elle s’avère peu efficace dans le résultat final, tant on a le sentiment de voir dilué le talent des deux parties : l’écriture de Dupieux se concentre davantage sur la débilité de ses personnages, tandis que le duo se voit condamné à une incarnation sur un long métrage de ce qui doit généralement son efficacité au format très court de leurs sketches.
Mandibules, plus que tout autre film de Dupieux, s’affiche clairement comme une comédie, et s’y limite. L’étrangeté qui pouvait confiner au malaise narratif (Réalité) ou existentiel (Le Daim) est ici complétement mise de côté, et le non-sens poétique reste de surface. Certes, le gimmick du check Taureau pourrait relever de cette écriture, mais reste bien timide, et l’incursion dans un groupe de personnes en vacances occasionne une petite diversion, mais sans grande saveur. Romeo Elvis semble là où la hype se joue, et le comique de situation (je cache la mouche, je cherche un chien…) manque grandement d’inspiration. L’idée des symptômes du personnage d’Adèle Exarchopoulos, qui crie donc à chaque fois qu’elle parle, n’est pas sans inspiration, mais rejoint finalement le sentiment général de surplace qui gangrène la dynamique d’un film qui, toujours aussi court chez Dupieux (1h15), ne semble pas moins souffrir de longueurs. Dans le même ordre d’idée, le sentiment général d’une improvisation par les deux crétins confère un dilettantisme qu’il n’est pas toujours facile d’appréhender : le récit s’égare volontiers, avec quelques motifs de comédie assez éculés (l’incendie involontaire, le vélo licorne, le chien), et même si quelques éléments consolident un peu la trame (comme le retour de la valise mystérieuse à livrer et le dévoilement de son contenu), la destination laisse songeur. Il est assez évident que le « En fait, je crois que je m’en fous » proposé en guise d’épilogue résume assez bien l’esprit général : même s’il permet une petite mise en bouche de la pirouette finale, elle aussi attendue, il semble surtout montrer une autre désinence de l’esprit de Dupieux quant à son rapport au récit. Auparavant, cela relevait d’une certaine poétique. Ici, cela ressemble surtout à un ressort qui, cette fois, n’aura pas vraiment fait mouche.