De tous les films de la Quinzaine que j'ai pu voir, toutes années confondues, Mange tes morts m'a semblé être le plus juste, le plus éblouissant.
Entre le drame social et le road movie, ce film se créé une place, un genre. D'une poésie sauvage, brute, il montre avec assez de distance pour ne pas l'imposer cette contradiction particulière, le lien entre la haine et l'amour. La fraternité. Il est surement possible de ne pas la saisir, de la laisser de côté et alors ce film n'est qu'un espoir parmi les autres. Moi j'me suis pris cette poésie gueularde dans les dents et dans les cotes, ça m'a usé les yeux et les poings. C'est inattendu, absolument tout est inattendu. Cet amour inconditionnel qui grandit, explose comme un pétard de plus en plus gros puis fini en un feu d'artifice immense mais humble, beau mais silencieux.
Ça fait du bien, vraiment, de voir cette fraternité. De se dire qu'il reste encore des façons nouvelles de filmer l'amour, de le raconter, et même de dire je t'aime.
On s'dit je t'aime en s'insultant, on s'fout des beignes pour ne pas se perdre. Parce qu'on est des frères, parce qu'on qu'on fera tout ensemble, tout, toujours.
Le cinéma aujourd'hui, c'est surtout des sensations. Avatar, Gravity et tout ça. Alors de partout on essaie d'être sensationnel. Godard fait de la 3D, Nolan fait un blockbuster intelligent. Mais le plus beau, ce qui fait aimer le cinéma d'aujourd'hui d'avantage c'est lorsqu'un film qui, sans artifices, montre la vie des Autres, des oubliés, des vaincus, des paumés. De ceux qui se battent, ceux qui ont laissé tomber. Enfin, quand sur un écran, de chaque défauts comme des fils, de chaque vérités comme des aiguilles, on fait se tisser une réalité. Et vraiment, la réalité est bien plus belle (le beau n'excluant pas le triste) à voir que les images de synthèses, même si celles-ci peuvent permettre de filmer le rêve, le fantasme, ce qui est intimement lié à la réalité.
J'ai ressenti devant ce film tant de sensations, et que des belles, et que des grandes. J'étais ému, vraiment. J'ai trouvé ça inexplicable, je ne veux toujours pas l'expliquer.
C'est tellement grand de se laisser surprendre, de saisir et d'être saisi. De se laisser avoir et se laisser aller. Il faut voir ce film.
(Et puis j'ai oublié de noter le nom du chef op mais ce mec est un malade, les lumières du film sont merveilleuses)