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Mank
6.3
Mank

Film de David Fincher (2020)

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La réaction la plus simple (et presque pavlovienne) du spectateur devant les premières images de Mank est de rapidement conclure d’avoir affaire à un exercice de style pour cinéphiles en forme d’hommage au classicisme hollywoodien, et de se donner le droit à partir de là de s’y ennuyer un peu. Et c’est vrai que le film a l’air de se fondre dans l’univers visuel du cinéma de cette époque et qu’il cite explicitement des plans de Citizen Kane, en plus d’imposer un rythme étrange à la fois frénétique et lancinant qui peut s’avérer d’une certaine opacité. Mais pour peu qu’on ne réduise pas Fincher à du thriller uniquement et qu’on accorde un minimum de crédit à ses ambitions artistiques, on finit par se laisser embarquer et hypnotiser par le film.


Il faut être honnête, ça s’explique peut-être parce que j’ai bien aimé retrouver cette esthétique hollywoodienne de ces années-là, et ai pris beaucoup de plaisir à voir le perfectionnisme visuel de Fincher s’y déployer. Mais comme ça ne saurait justifier en soi l’intérêt du film, j’ai fini par voir cet univers démystifié à l’intérieur même des codes visuels qu’il a pourtant contribué à imposer, non sans une certaine ironie et méchanceté, en montrant tout le cynisme et la médiocrité derrière la magie et le glamour du cinéma. Je pense notamment à la manière très stylisée dont est filmée Marion Davies, rapidement désamorcée par les éclats de rire pas très sympathiques de Mank.


Plus l’histoire avance, tout ce qui relève de la revisite malicieuse d’Hollywood – à coups de travellings élégants et son jazzy- s’estompe, et la mise en scène se fait plus posée, froide et sobre à mesure que se dessine la réelle réflexion du film au-delà de l’opposition simpliste entre la médiocrité de l’industrie la pureté de l’artiste. A partir de l’exemple de la conception de l’un des chefs d’œuvre du cinéma, Fincher explore l’idée que l’art, loin de n’être le produit de la pureté du geste, peut être le résultat d’affects et de démarches tout sauf purs : la mégalomanie et la tyrannie de Welles, la rancœur et le ressentiment de Mank qui après avoir profité d’un milieu hostile à ses convictions profondes, retourne le cynisme de l’industrie contre elle pour accomplir sa plus grande œuvre d’art. Et même au-delà de ça, on voit vraiment Citizen Kane comme le produit de toute la misère morale et la décadence de l’époque, des fantômes et des crimes de l’industrie du cinéma. Et en ancrant ainsi dans le réel le film de Welles, non seulement ça l’éclaircit un peu plus mais ça l’enrobe aussi paradoxalement de plus de mystères et d’énigme. Je ne pense pas qu’un meilleur hommage eût été possible.

Mr_Purple
8
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le 7 déc. 2020

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Mr Purple

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