Ce n'est pas un film sur Hollywood!
Je sors de Maps to the stars, infiniment perplexe, mais avec une certitude: ce film aurait pu avoir lieu dans n’importe quel milieu, et pas uniquement dans les hautes sphères hollywoodiennes. Ce monde étoilé ne sert que de décor à une tragédie qui elle, est profondément humaine et universelle.
Alors de quoi parle le film ? C’est la question qui me hante à la sortie. Des thématiques majeures, telles que l’inceste, l’incendie ou la jalousie, lient entre eux les personnages disparates. Le film donne l’impression de vouloir ne faire qu’une grande histoire de toutes ces vies ; un sentiment unifiant nous est transmis, mais il faut un temps pour le comprendre. On sait toutefois qu’il y a quelque chose à comprendre, on le sent, Cronenberg ne nous livre pas un objet auto-complaisant et hermétique.
***Spoilers***
Je me suis offerte une réponse en réfléchissant au rapport entre Havana Segrand (l’actrice jouée par Juliane Moore) et Agatha Weiss (son assistante). Pour quelle raison Havana décide-t-elle de ravir l’homme de son assistante, à qui elle n’a rien à envier ? Pourquoi vouloir ainsi lui arracher son bonheur et lui infliger la vue de son massacre ? De plus, Havana, en la provoquant ainsi, devait imaginer la réaction qu’elle aurait suscitée chez la jeune fille : pourquoi la pousser ainsi à se venger d’elle ? Tout semble gratuit, au premier abord. Puis on réalise que dès le départ, Agatha s’est présentée à Havana comme une projection de sa propre mère, puisqu’elle a failli périr dans un incendie, tout comme celle-ci. Agatha représente la possibilité pour Havana de retrouver celle qui lui a fait tant de mal dans son enfance, comme si l’hypothèse de la survie après l’incendie était possible, comme si tout était encore à jouer, comme si elle avait une dernière chance de regarder sa mère dans les yeux et de régler ses comptes autrement que par le biais d’un gourou entre ses jambes. Alors, elle décide de lui faire mal. C’est sa vengeance, sa vengeance sur sa mère, sa vengeance sur son enfance déchirée. Mais dès lors qu’elle accepte de punir la jeune fille, elle se condamne en se renvoyant le boomerang de ses représailles. Agatha va la tuer pour son geste, il ne peut en être autrement. Havana se sait destinée à mourir de ses actes, c’est inéluctable, elle ne lutte pas contre un sort qui est sien depuis des années. Elle devait mourir par sa mère et contre elle. Mais c’est peut-être ainsi qu’elle trouve la paix. En acceptant enfin la mort qui lui est infligée depuis l’enfance.
Alors je comprends, que le premier et ultime sujet de Maps to the stars est la pulsion de mort. Ce besoin qu’ont de mourir des personnages qui auraient pu être heureux mais qui ont été voués à se détruire. Il en est ainsi pour les parents d’Agatha et Benji aussi : frère et sœur à leur insu, ils sont tombés amoureux et se sont mariés. La tragédie œdipienne portée à son comble : comment échapper au malheur et à la mort lorsqu’on a été destiné à aimer la seule personne qui nous était interdite ? Mais réciproquement, pourquoi aimer justement cette personne, si ce n’est pour s’infliger la mort que l’on pense mériter ? Christina et Stafford succombent à la seule fin qui pouvait être leur.
De même, Benji et Agatha reproduisent le schéma de leurs parents. Le film se termine par une quintessence de poésie : le mariage doux-amer des deux frère et sœur par lequel ils signent leur arrêt de mort. Tout est résumé dans l’étrange beauté de cette scène de suicide.
Ce ne sera pas, d’ailleurs, la première fois que Cronenberg abordera le thème de la pulsion de mort, déjà étudié avec grande fascination (mais pas autant de talent) dans A dangerous method, où la psychanalyste Sabina Spielrein se passionne pour le sujet et essaye de comprendre ce besoin qu’ont les hommes de mourir.
Cronenberg avait alors choisi un biopic ancré au XIXe siècle pour évoquer ce sujet délicat. Il choisit aujourd’hui de creuser les entrailles humaines sur une trame assaisonnée de scandale hollywoodien. Mais la trame n’est pas le sujet.