La genèse de la crise financière, la finance folle, les traders au sang et à la peau froids... Tous les éléments sont là pour un huit-clos qui respecte le triptyque du théâtre classique : unité de temps, de lieu et d'action. A mesure que la nuit avance, le problème se dévoile et les prédateurs de nuit apparaissent à tour de rôle jusqu'à l'arrivée de Jeremy Irons (magistral). A l'aube, les vampires auront disparu avec les cadavres de leurs victimes, l'ordre rétabli.
Il ne s'agit pas tant d'un procès de la finance que d'un regard sur la violence de l'entreprise et de ses réflexes lorsque sa survie est menacée et qu'elle fait appel à ses archanges : les chaines de décision se raccourcissent, les solutions se simplifient à l'extrême, des personnes dont on pensait qu'elles n'existaient pas veillent et réveillent à toute heure... On perçoit que l'essentiel de la puissance financière et opérationnelle de l'entreprise est extérieure au bâtiment et que la condition de l'employé est proche de celle du hamster dans sa cage.
C'est aussi une réflexion sur la quête d'identité et de sens dans son activité professionnelle. Du trader qui révèle à l'investisseur qu'il est un ingénieur en aéronautique exfiltré dans le monde de la finance, au contrôleur de risques qui se rappelle avec regret avoir aimé construire des ponts à qui il reconnaissait une utilité économique directe, l'entreprise est peuplée de personnes dont la vraie nature ressort sous la pression; seuls ceux au plus haut de la hiérarchie ne vacillent pas et ils sont là car ils ont toujours voulu être là. Enfin, l'étalonnage de la valeur d'une personne sur son salaire est permanent et constitue l'alpha et l'omega de la relation humaine dans ce film.
La finance, l'argent, la chute d'une entreprise en une nuit ne sont que des condensés de situations actuelles du capitalisme moderne, des précipités de nos vies professionnelles; ils ne révèlent au fond que notre incapacité à organiser les choses durablement, à domestiquer notre part d'animalité et à défaut d'y arriver, juste l'accepter.