Maria
6.7
Maria

Film de Pablo Larraín (2024)

Le 16 septembre 1977 au 3ème étage du 36 boulevard Georges Mandel Paris XVIème, la cantatrice Maria Callas est retrouvée morte par ses fidèles et dévoués Ferruccio (homme à tout faire, majordome) et Bruna (cuisinière, gouvernante) qui l'ont accompagnée durant de longues années.

Le film n'est pas un biopic classique qui ne pourrait que survoler (ou se transformer en catalogue à la Charles Aznavour) la carrière phénoménale et la vie tumultueuse parfois scandaleuse de la diva mais évoque les sept derniers jours de son existence de recluse dans son appartement muséal parisien. Elle ne sort plus que rarement pour promener ses chiens en empruntant le même itinéraire ou pour s'attabler à la terrasse d'un café dans l'espoir d'être admirée. Epuisée moralement par le constat du déclin de sa voix (elle ne pourra plus jamais se produire sur scène) et physiquement par différentes pathologies mal identifiées et la prise quotidienne d'une quantité astronomique de médicaments, elle n'est plus que l'image de la solitude et de la tristesse. D'une maigreur inquiétante elle parvient peu à s'alimenter et son meilleur ami le Mandrax est pratiquement devenu sa seule nourriture. L'effet sédatif et hypnotique du médicament pris à forte dose calme ses douleurs et ses angoisses mais lui provoque des hallucinations.

C'est donc au coeur des divagations mentales et de souvenirs plus ou moins précis ou fanstasmés que nous entraîne le réalisateur sans nous donner la possibilité de démêler le vrai du faux. S'appuyant sur le (relatif) désordre mental de la diva, il contourne l'objectivité pour nous livrer sa vison du mythe encore vivant dans une errance d'une grande élégance mais aussi d'une infinie tristesse au cours de laquelle Callas cède le pas à Maria qui essaie d'exister encore un peu et pour elle seule enfin.

La voix de Maria n'est plus le feu d'artifice de jadis, ses cordes vocales sont endommagées et ne retrouveront plus leur capacité. Les médecins lui ont même recommandé de ne plus chanter. Mais à l'approche de la fin elle veut enfin et pour la première fois chanter pour elle-même uniquement. Elle continue de s'entraîner chez elle et dans un théâtre accompagnée d'un pianiste (mais ces séquences sont-elles oniriques ?) où sa voix brisée n'est parfois plus qu'une plainte déchirante.

Quelques épisodes marquants sont relatés en flash-backs. Sa jeunesse de jeune femme mal aimée. Des triomphes sur les scènes du monde entier. Mais aussi la longue liaison de Maria avec Aristote Onassis, milliardaire armateur grec et mondain présenté ici comme un gros balourd inculte et vulgaire. La rencontre d'Onassis avec Jackie Kennedy (qu'il épousera contrairement à Maria) met fin à la relation qui se transformera en amitié et donne lieu à une scène savoureuse entre Maria Callas et JFK trahis par le même homme. On découvre aussi la cruauté des journalistes qui la harcèlent comme de vulgaires paparazzi, se moquent d'elle et mettent en doute sa maladie et son incapacité à chanter.

Pablo Larrain aborde le troisième destin brisé d'une icône féminine du XXème siècle après Jackie et Diana dans Spencer et confirme après Neruda sa constance dans les biopics. Celui-ci est sans doute le plus émouvant de tous car Angelina Jolie met une force d'incarnation évidente dans la personnification. Elle exprime l'immense tristesse et la mélancolie désabusée de celle qui fut adulée et se retrouve dans une solitude extrême uniquement entourée de ses chiens et de ses employés de maison sur lesquels elle exerce encore la volonté de certains caprices. Le choix de l'actrice n'était peut-être pas le plus évident au premier abord mais à l'écran la prouesse dans le mimétisme est tout simplement éblouissante. L'actrice a véritablement appris à chanter mais sa voix a été mixée à celle de La Callas et les playbacks sont absolument bluffants notamment celui qui ouvre le film. Inutile de dire que la musique est exceptionnelle, que Pierfrancesco Favino et Alba Rorhwacher sont formidables et que Vincent Macaigne (le régional de l'étape) se comporte comme s'il était face à la Callas (c'est mignon).

Le doux Paris presque onirique du film, ses couleurs automnales, sa pluie imaginaire, les décors grandioses, parfois écrasants, et l'errance digne, désenchantée, parfois presque sépulcrale de Maria (Angelina) subliment une artiste mythique, iconique, légendaire que son art a vampirisée mais aussi une actrice merveilleuse au port de reine, incarnation de la tragédie.

LaRouteDuCinema
8
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le 28 janv. 2025

Critique lue 18 fois

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