Maria
6.6
Maria

Film de Pablo Larraín (2024)

Le soleil de l'été est encore timidement présent, mais les lueurs glaciales et colorées de l'automne sont d'ores et déjà écrasantes dans le Paris majestueux de ce septembre 1977. C'est dans cette atmosphère que la légendaire cantatrice Maria Callas vit ses derniers jours, dans son immense appartement, avenue Georges-Mandel, en compagnie de ses deux caniches et surtout de ses deux domestiques, qui lui sont profondément dévoués.


Celle que Leonard Bernstein surnommait "la Bible de l'opéra" n'est plus que l'ombre d'elle-même, ayant perdu ses exceptionnelles facultés vocales, minée par le désespoir, par une myriade de maladies non identifiées, par une absence d'alimentation solide ainsi que consistante et par une prise constante d'une quantité effrayante de médicaments, dont certains ne manquent pas de provoquer chez elle des hallucinations.


C'est à cette gloire, lors de son crépuscule, que le réalisateur chilien Pablo Larraín consacre son troisième biopic sur une célèbre figure féminine du XXe siècle, après Jackie et Spencer, la dépeignant comme une femme ayant eu une vie aussi tragique et intense que les personnages qu'elle a incarnés sur scène (ce que souligne l'ostensible division en actes ainsi que les toutes dernières minutes du long-métrage !). Dans le rôle-titre, Angelina Jolie s'offre corps et âme, rendant à la perfection tout le poids de la grandeur et de la tragédie d'une existence. C'est le gros point fort de l'ensemble, avec la mise en scène en ce qui concerne la photographie en couleurs, les décors et les costumes, pour ce qui est de recréer avec sobriété et authenticité la capitale française de la fin des années 1970.


Autrement, la narration est assez conventionnelle, déjà utilisée et réutilisée des centaines de fois ailleurs, avec le début nous montrant l'héroïne après son dernier souffle, pour ensuite replonger dans les jours précédents, entrecoupés de flashbacks, en noir et blanc, dans des périodes du passé, la plupart lors du zénith de l'idole. Bien sûr, on ne passe pas à côté de l'inévitable début de générique de fin, montrant des archives de la véritable Callas. La grande majorité des flashbacks ne servent pas à grand-chose (à l'exception d'un seul sur lequel je vais revenir plus loin !). Leur contenu aurait pu être mis en avant, en ne quittant pas 1977, par le biais de quelques répliques (d'autant plus que son hallucination du journaliste qui l'interview, réapparaissant régulièrement, aurait pu permettre facilement cela !).


L'un d'eux avait le potentiel de lancer un angle d'attaque aussi intéressant que douloureux, à savoir celui qui montre la future étoile, jeune fille, dans la Grèce occupée, contraintes, elle et sa sœur, par leur mère de chanter, pour des officiers nazis, pour les prostituer aussitôt ensuite à ces mêmes sinistres croix gammées. Mais l'angle d'attaque de la musique qui éclate, qui brille dans la douleur, n'est pas exploitée du tout par la suite. Dommage.


Par contre, le montage parallèle, entre une prestation scénique de "Piangete voi" d'Anna Bolena en 1957, à la Scala de Milan, alors que l'artiste était au sommet, et une prestation au temps présent, met en avant, d'une manière magistrale et bouleversante, toute sa déchéance vocale. C'est une séquence particulièrement déchirante, lors de laquelle le retour visuel (et sonore évidemment !) vers le passé est pleinement justifié. C'est là que l'on se rend compte que tout est irrémédiablement et définitivement terminé, que l'on se rend que la présence terrestre de la Callas, dans notre monde banal, n'avait plus de raison d'être. Il ne lui restait plus qu'à vivre éternellement...


[Petite note de précision par rapport à ce dernier paragraphe, pour mettre une petite chose au clair - j'y tiens par égard pour la vraie Maria Callas - c'est le point de vue adopté par le Pablo Larraín, n'ayant pas l'obligation d'être fidèle à la réalité. C'est une fiction, pas un documentaire. En conséquence, je ne le critiquerai pas pour cela. Mais, sans prétendre être un spécialiste dans le domaine (ce que je ne suis absolument pas !), ayant écouté des enregistrements tardifs de la cantatrice, y compris un datant du mois d'août 1977, soit très peu quelques semaines avant sa mort, sans être aussi flamboyante que quand elle était au top du top, pouvant même sembler parfois assez fatiguée lors de certaines prestations, je trouve que sa voix était tout de même digne des plus beaux éloges. Enfin, on est à des milliards de kilomètres de la grosse catastrophe du film. Je trouve que jusqu'au bout, elle a vraiment réussi à vivre pour l'art. Voilà, c'était juste l'opinion d'un mélomane inculte à deux balles.]







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Plume231

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