Le film ne présente ni l'image d'une Marie Madeleine prostituée, ni une amoureuse éperdue. Elle est ici une femme qui refuse de se définir dans le seul rôle que l'on peut attendre d'elle : épouse et mère. Elle décide de s'affranchir, en miroir de Jésus, lui même émancipé de sa famille. Jésus priorise le choix de l'individu sur sa place dans la société. Il appelle à abandonner parents et enfants pour le suivre. Le film présente ainsi une scène où Jésus s'adresse spécifiquement aux femmes. Il ne leur parle pas comme à des êtres inférieures mais bien à des égales qui doivent faire leurs propres choix et s'entraîner au pardon.
Les tensions du patriarcat de la société juive sont bien présentes et le groupe des apôtres n'y échappe pas.
J'ai trouvé la mise en scène intelligente, sans lourdeur parfois lié au genre, et le film assez fin pour être lié à des questionnements actuels. Rooney Mara et Joaquin Phoenix sont subtiles dans leurs personnages. Un étonnement dans le casting : des apôtres, dont Pierre, sont représentés comme noir. Après quelques recherches, je le vois comme une liberté. Au delà d'afficher un cosmopolitisme y a t'il un sens particulier ?
Le film m'a laissé des questionnements mais aussi l'impression d'être resté en surface, d'avoir manqué de relief. Assez simple en apparence, il manque peut être de pédagogie sur certains apôtres pour mieux comprendre leurs positionnements.
Le personnage de Marie-Madeleine incarne une forme de pureté de la foi et de la spiritualité. Outre Jésus, deux autres personnages sont mis en valeur : Judas, dont on apprend le nom après avoir noté sa personnalité solaire, et Pierre. Une opposition s'installe entre ces 3 apôtres et c'est pour moi le thème du film (oui on peut se demander en sortant de quoi il voulait bien parler et ce qu'apporte son film au final...) Ils ont chacun une vision différente de l'avènement du Royaume de Dieu. Pour Pierre il s'agit d'un changement politique, Judas attend une sorte d'apocalypse où vivants et morts seront réunis - ce qui lui permettrait de rejoindre sa femme et sa fille - enfin, Marie-Madeleine le voit comme un changement qui se fait en chacun de nous (et non un fait extérieur). C’est en changeant soi-même, que le monde changera. Mon impression à la fin du film a été que le réalisateur voulait opposer l'église de Pierre et une Église de Marie-Madeleine. Impression soulignée avec la dernière image, celle des femmes évangélisées suivant Marie-Madeleine. L’Évangile de Marie a été retrouvé en 1896, lacunaire, il est considéré comme un apocryphe (non reconnu par l’Eglise / non canonique / conforme à la doctrine) et un texte gnostique. Un concept selon lequel "le salut de l'âme passe par une connaissance directe de la divinité, et par une connaissance de soi" (Wiki)
Alors qu'elle est la première à voir le Christ ressuscité, et qu'elle est décrite comme la préférée, les apôtres ne croient pas en sa parole (un "délire"). (Il semble qu'il s'agirait d'une culture discréditant le témoignage féminin mais aussi d'une stratégie de mise à l'écart du courant johannique, qui mettait en avant Marie-Madeleine et Jean).
Sous une apparence assez lisse, le film traite de sujets modernes et prend comme l'une de ses bases un texte apocryphe et gnostique. Ainsi, lors de la scène des marchands du temple ce n'est pas l'argent que l'on voit le plus mais le sang des brebis en parallèle du sang du Christ qui coulera, comme une critique de la souffrance de tout être vivant. Un thème qui peut à la fois être une problématique de notre société mais qui semble aussi faire référence à des textes peu connus (comme l’Évangile des Ébionites qui dépeint un Jésus végétarien, refusant de manger la viande de la Pâque).