La postérité a été injuste avec Albert Valentin qui a au moins signé deux très grands films pendant l'Occupation, Marie-Martine et La vie de plaisir, qui devraient être considérés comme des classiques du cinéma français. Le dernier film fut hélas maudit puisque condamné, de la même façon que Le corbeau, à la fois par la presse collaborationniste puis par les juges de la Libération. La carrière du cinéaste d'origine belge en fut gravement affecté. Marie-Martine est un modèle de construction avec des flashbacks successifs qui viennent éclairer le parcours de l'héroïne, ange aux ailes brisées par la méchanceté du monde. Le film est d'une grande noirceur mais atténuée de moments de tendresse et d'humour. La scène de "Tiens ta bougie droite" avec l'immense Saturnin Fabre est une merveille de déclaration de misanthropie blessée, cocasse et émouvante à la fois. Il n'est pas le seul acteur à briller avec entre autres un Jules Berry cynique à souhait, Bernard Blier et Renée Saint-Cyr qui trouvera son plus beau rôle un an plus tard dans la magnifique adaptation de Pierre et Jean par Cayatte. Oui, l'oeuvre d'Albert Valentin, assistant de René Clair, coscénariste du Boudu sauvé des eaux de Renoir et de Le ciel est à vous de Grémillon (avec son compatriote Charles Spaak), notamment, mériterait vraiment d'être revalorisée.