Dernier grand film de Julien Duvivier et dernier grand film de star de Danielle Darrieux.
Marie-Octobre c'est elle. Belle et impériale, elle tient tête à une distribution masculine à faire pâlir tous les nostalgiques du cinéma français des années 50: Serge Reggiani, Paul Meurisse, Bernard Blier, Lino Ventura, Paul Frankeur, Noël Roquevert, Paul Guers, Daniel Ivernel, Robert Dalban.
Duvivier maîtrise cette adaptation du roman de Jacques Robert sur des dialogues réussis d'Henri Jeanson. Il s' est essayé à tout les styles durant sa longue carrière mais n'avait jamais mis en scène un huis clos. Pari périlleux, pari gagné. Sa grande expérience technique permet d'éviter l'écueil de la théâtralité dans lequel un autre cinéaste, moins inspiré aurait pu tomber. Sa mise en scène exploite toutes les possibilités de profondeur de champs qu'offre ses acteurs dans l'unique décor du film, au besoin "isole" un des acteurs pour le mettre "face au groupe", ballade sa caméra au milieu des visages pour mieux cerner leurs émotions ou leurs doutes, évite tant que possible les champs contre champs, où ne s' en sert que pour des faces à faces intenses, aérés par des plans d'ensemble sur le reste du groupe.
C'est aussi un pari gagné au niveau des affrontements verbaux hauts en couleurs, comme Jeanson savait en écrire. Ils n'écrasent pas le travail du réalisateur comme dans beaucoup de film de l'époque. Le texte, les dialogues, le jeu formidable des acteurs restent au service de la mise en scène et du sujet. Si l'on croit à ce "règlement de compte de salon" ce sont pour toutes ses raisons.
Quant au sujet lui même, le film nous fait réfléchir sur la notion de justice personnelle, sur la perception de la réalité des faits et de la vérité, toujours biaisée quand des considérations émotionnelles rentrent en jeu. Doit-on respecter les anciens codes de la guerre - c'est un ancien groupe de résistant- alors que nous sommes en paix ? Doit-on s' ériger en tribunal de l'honneur au mépris de le justice des hommes ? Justice ou vengeance ?
Tour à tour les personnages seront mis en "accusation" y compris celle qui est à l'origine de cette réunion. Tous passent un sale quart d'heure. Tout le monde a des secrets. Tout le monde n'est pas très blanc dans cette histoire. Mais un(e) seul(e) à trahi (e) et "provoquer" la mort d'un homme. Cela vaut il de faire justice soit même ?
Les discours et interventions de Paul Guers ( devenu Curé après la guerre) soulèvent intelligemment ces questions.
Quant aux acteurs, ils ont tous leur moments et sont parfaits - la mise en accusation tour à tour - mais certains sortent du lot, sans citer Danielle Darrieux, reine du film: Serge Reggiani, assez bluffant en amoureux platonique, Paul Frankeur, aussi excellent que son personnage est agaçant et suffisant, Lino Ventura, avec un personnage fort en gueule au solide code d'honneur, et l'autorité discrète mais réelle de Paul Meurisse.