Ne jamais rien lâcher

J'ai pu découvrir Marinette en avant-première et en présence de Marinette Pichon et de Garance Marillier — qui réalise elle-même toutes les phases de jeu ! L'histoire de Marinette Pichon est surprenamment méconnue, d'autant qu'elle est relativement récente, pour une joueuse qui a détenu si longtemps le record de but français hommes et femmes confondus ! Le film est donc intéressant à triple titre : premier biopic d'une sportive ayant réellement existé il lui redonne enfin la visibilité qu'elle mérite, il traite d'une grande variété de sujets sociaux avec habileté et c'est également un objet filmique de bonne qualité.

La vie de la footballeuse Marinette Pichon ressemble à de la fiction tellement elle accumule déboires et victoires — c'est un véritable rise & fall franco-américain, entre violences domestiques et familiales, sexisme, misogynie, préjugés de classe, homosexualité et inclusivité. Virginie Verrier réussit à entrelacer ces thèmes pourtant lourds avec la trajectoire sportive et dynamique de cette pionnière du football féminin français. Le film est un bon mélange de genre qui ne tombe jamais dans les travers du « film social à la française », se plaçant plutôt du côté des militants réalistes. Garance Marillier se révèle un excellent choix pour incarner à la fois la vulnérabilité et la force, les doutes et l'assurance. Une mention toute spéciale doit aussi être donnée à June Bernard qui incarne avec férocité et brio Marinette enfant.

Alors que je suis souvent sceptique face aux biopics, souvent paresseux d'un point de vue cinématographique, Marinette se classe parmi les quelques films qui ont compris qu'un biopic n'est pas le déroulé en images d'une page Wikipédia. J’ai particulièrement aimé la musique de Jean-Fabien Dijoud, qui apporte émotion et tension tout au long du film, ainsi que le choix des morceaux complémentaires qui apporte là aussi une saveur particulière entre France et Amérique. La caméra de Virginie Verrier nous offre justement des variations stylistiques pour soutenir les différents temps de vie de Marinette. Miroir de la manière dont les États-Unis traitaient alors les footballeuses, sa caméra se fait plus virevoltante et plus héroïsante dans la période américaine. On remarque par ailleurs le soin apporté au grain et à la couleur qui évoluent tout au long du film, entre un doux parfum années 90, des États-Unis sous les spotlights et une France plus terre-à-terre. Si j'aurais aimé par moments un montage un peu plus percutant je trouve que l'ensemble est vraiment solide avec un très bon rythme, et encore une fois le juste souffle entre social et épique — la référence à Rocky prends ici également un double sens, sur le fond comme sur la forme, tout en rapportant de la légèreté à la scène.

Je souhaite à Marinette un très beau parcours, à la hauteur des messages humanistes et militants qu'il porte et à la hauteur du travail de celles et ceux qui l'ont fait. Et puis on souhaite que ce film contribue à faire évoluer le regard et les institutions sur le sport féminin — les footballeuses françaises n’ayant toujours pas de statut professionnel.