A Cortina d'Ampezzo,station alpestre à la frontière italo-autrichienne,un médecin américain vient faire de l'alpinisme.Il est accompagné de sa charmante épouse,qu'il néglige et qui va être l'objet de la cour assidue d'un officier de cavalerie autrichien."Maris aveugles",voilà un pluriel bien singulier concernant ce premier film d'Erich von Stoheim, étant donné qu'il n'y a qu'un seul personnage correspondant à cette définition.Le film ressemble à une répétition générale de "Folies de femmes" qui sera tourné trois ans plus tard.Stroheim,qui a écrit le scénario et aussi le roman dont il est adapté,y raconte,en moins étoffée,à peu près la même histoire.Voici donc déjà le couple de touristes américains en villégiature en Europe,le mari notable très occupé ne prêtant guère attention à sa femme,l'épouse délaissée tentée de succomber,le séducteur ignoble déjà joué par le réalisateur,la maîtresse jalouse qui met des bâtons dans les roues.Curieusement,ces films ont fait scandale à l'époque,alors qu'ils véhiculent un moralisme puritain prononcé.L'adultère n'est finalement pas consommé et le salaud de débauché est cruellement puni à la fin.Sans doute est-ce la description complaisante de personnages obsédés par l'argent et le sexe qui choquait tant.Techniquement,Stroheim a retenu les leçons de Griffith,dont il fut l'assistant,notamment dans l'habile utilisation du montage parallèle.Le cinéaste appose sa griffe dans les scènes de foule grouillantes et dans les gros plans signifiants,et fait bon usage des décors naturels,notamment lors d'impressionnantes scènes d'escalade.Tout juste peut-on déplorer que les intertitres soient si pompeux.Quant à Stroheim l'acteur,il s'est réservé son habituel rôle de méchant et interprète avec panache un jouisseur faux-jeton,menteur et lâche.Il est bien secondé par la jolie Francilla Billington,parfaite en épouse frustrée oscillant entre désir et devoir.Il faut également mentionner le personnage de Sepp,le guide de montagne,inspiré d'un homme ayant réellement existé et à qui le film est dédié.C'est Gibson Gowland,que Stroheim mettra en vedette dans "Les rapaces",qui en fait une interprétation truculente consistant surtout à fumer la pipe et à cracher pour avoir l'air d'un vrai montagnard taiseux et dur de dur.