En adoptant de manière assez surprenante, mais rapidement très excitante, un style de mise en scène qui évoque plutôt Cassavetes, Woody Allen réalise avec "Maris et Femmes" son film le plus urgent, de cette urgence déchirante qui accompagne, l'âge venant, la découverte que la vie est courte, que le temps passe vite, que l'on vous a vendu une illusion romantique de la vie, sans vous dire qu'elle serait à jamais inatteignable. Avec une richesse émotionnelle à laquelle il ne nous avait pas habitué, Allen nous montre comment un mariage, une relation peuvent survivre ou être irrémédiablement détruits par les conflits et changements inévitables de la vie : mais finalement, que nous dit-il si ce n'est que la sécurité, le confort et la prévisibilité de la vie en couple est le mieux que l'on puisse attendre, à un certain âge, c'est-à-dire une pure et simple protection contre la solitude ? Tendu, amer, d'une cruauté et d'une crudité sans équivalent dans le cinéma de Woody Allen, "Maris et Femmes" est à la fois formidablement vital et atrocement pessimiste : avec le temps qui passe, tout se dégrade, surtout l'Amour... ainsi, le visage de Mia Farrow, qui fut la femme aimée n'est plus que celui, informe, d'un monstre... [Critique écrite en 1992 et 1994]