Marius,jeune marseillais beau gosse,travaille au Bar de la Marine avec son père César,propriétaire du lieu.Son destin semble tout tracé,reprendre plus tard le bistrot de papa et épouser la jolie Fanny,dont il est amoureux.Sauf que le garçon a d'autres projets.Voir tous ces bateaux sur le Vieux-Port,entendre les fabuleuses histoires exotiques des marins en transit dans la cité phocéenne,ça lui a tourné la tête et il ne rêve que d'embarquer pour découvrir le vaste monde,mais il cache ces envies à son entourage,ce qui va provoquer un sacré pastis.Daniel Auteuil,après s'être lancé dans la réalisation en 2011 avec "La fille du puisatier",poursuit dans sa frénésie pagnolesque et embraye direct sur "La trilogie marseillaise",rien que ça!Ce monument du théâtre et du cinéma français semblait être un gros morceau et effectivement Auteuil s'y est cassé les dents puisqu'après avoir fait "Marius" et "Fanny",il renoncera à clore la trilogie avec "César".C'est ici la même équipe que sur "La fille du puisatier" qui est à l'oeuvre avec Auteuil à la réalisation et au scénario qui adapte la pièce de Marcel Pagnol,Alexandre Desplat et sa musique pompière envahissante,Jean-François Robin et sa photo trop propre,Joëlle Hache au montage et Pierre-Yves Gayraud aux costumes,la production étant encore assurée par Alain Sarde pour les Films Alain Sarde et Jérôme Seydoux pour Pathé.Le film n'est pas terrible mais,comme dans les adaptations des années 30,cette première partie est la meilleure.Mise en place de personnages truculents,mélo dont la dimension tragique se resserre sur des protagonistes aux prises avec des passions contradictoires,la puissance du dispositif opère malgré tout,d'autant que les dialogues chantants de Pagnol et ses morceaux de bravoure font encore leur effet.On a donc droit aux célèbres scènes à faire,la partie de cartes,le cocktail aux quatre tiers ou les "sacré Marius!",mais l'ensemble reste englué dans l'illustration genre "village provençal".La musique,l'image,les décors,les figurants sonnent faux et peinent à immerger dans l'histoire,surtout si on a vu le film de 31.Il faut dire qu'Auteuil part avec un sévère handicap car Alexander Korda a tourné une oeuvre contemporaine et non un film d'époque.Le "tartare d'Olivoïde",comme disait Raimu,a travaillé en situation,pas besoin pour lui de reconstitution laborieuse,on était dans les années 30.Du coup c'est plus crédible et en plus ça profite de la patine du temps avec de vrais décors anciens,même si c'est principalement fait en studio,du noir et blanc et de vrais comédiens provençaux pas obligés de forcer pour causer "avé l'assent".En outre Korda avait su donner une fluidité et un rythme qui font défaut à la mise en scène empesée d'un Auteuil écrasé par son modèle.Daniel lutte vaillamment,on sent qu'il aime l'oeuvre de Pagnol et qu'il veut bien faire,mais il n'aboutit qu'à un psychodrame désuet et plus ou moins maladroit qui n'est sauvé que par la puissance originelle de l'écriture de Pagnol.Comble de malheur,l'interprétation est très en-dessous des sommets d'autrefois,notamment celle de celui qui fut autrefois un si magnifique Ugolin et qui s'épuise ici à se confronter au monstrueux Raimu dans un registre qui n'est pas le sien.On a beaucoup critiqué Pierre Fresnay jadis,d'autant qu'il n'était pas du tout marseillais,mais quand on voit le catastrophique Marius que nous donne l'insignifiant bellâtre Raphaël Personnaz,la performance de l'ancien semble tenir du génie.Quant à Fanny,la chouinarde Victoire Bélézy parvient à être pire que la pourtant calamiteuse Orane Demazis,son seul avantage étant d'être vraiment belle,contrairement à la mocheté Demazis dont le rôle de séductrice interpellait.Marie-Anne Chazel est plus présente en Honorine que ne l'était Milly Mathis,ce qui ne l'empêche pas d'être largement enterrée par la matrone provençale dont le physique enrobé et la grande gueule seyaient bien mieux au rôle.Jean-Pierre Darroussin est lui aussi loin de la rondeur de Charpin mais lui arrive à égaler son prédécesseur en proposant une version plus âpre,moins dans la faconde décontractée.Nicolas Vaude est aussi très bon en monsieur Brun tandis que Daniel Russo a beau sortir les rames,il interprète un pâle Escartefigue.Pour finir notons que Rufus,qui est le marin Piquoiseau,le mauvais génie de Marius,est un peu vieux pour naviguer à 71 ans.