Amusant de voir combien la rupture est un thème porte-bonheur pour Noah Baumbach. Il se révélait au monde en 2005 avec Les Berkman se séparent, œuvre matricielle qui annonçait le style et la couleur. Le voilà de retour avec ce qui est sûrement son meilleur film depuis quinze ans.
Le metteur en scène boucle la boucle, avec l'histoire de ce couple en instance de divorce. Paradoxalement, Marriage Story est son œuvre la plus longue (2h16) et peut-être la plus ramassée. On parle beaucoup de séparation bien sûr pourtant drame et comédie se concilient avec brio.
La finesse d'écriture de Baumbach permet de sonder le choc, désosser les raisons/incompréhensions des protagonistes pour mieux dévisser la mécanique de la vie ensemble et de ses illusions.
Et ça commence (très bien) dès son introduction, qui juxtapose magistralement l'amour à ses débuts de celui arrivé à sa fin. Le film a le bon sens d'offrir une égalité de temps et de parole à ces deux interprètes, comme pour démonter tout sentiment de parti pris et mieux rappeler les limites d'une union sitôt qu'elle occulte la singularité de chacun. Et une bonne raison d'offrir une peinture du divorce comme résultante de multiples raisons liées intrinsèquement au mariage : communication en berne, aspirations contraires, manque de franchise, égocentrisme,... Toutes ces barrières que le divorce ne fait qu'amplifier par la présence d'artifices et d'intermédiaires, éloignant les deux personnes concernées d'une vraie résolution. Jusqu'à l'implosion cathartique (l'une des plus belles scènes du film).
Mais aussi un business juteux du ressentiment pour certains avocats spécialisés, plus préoccupés à l'idée de gagner l'affaire que d'éviter à leurs clients d'y perdre leurs sentiments. Peu reluisant mais quand ce sont Laura Dern et Ray Liotta qui tiennent les comptes, c'est cynique et bidonnant.
Évidemment, l'important demeure le duo Scarlett Johansson/Adam Driver. La première n'a peut-être jamais été aussi touchante et naturelle, quand son partenaire magnifie cette figure masculine dépassée par la situation. Sur les 136 minutes, on est tour à tour balancé de l'humour aux larmes sans que le moindre effet soit appuyé. Le dispositif est simple, les choix de mise en scène cumule les plans signifiants sans qu'aucun ne semblent trop évidents.
Il faut aussi féliciter le montage, qui offre un dynamisme et une intensité dingue à des scènes à priori banales, bien aidés par la plume aiguisée de Baumbach lui-même.
C'est donc avec Marriage Story que le cinéaste semble refermer une partie de sa carrière, tournée vers les dissolutions filiales et les angoisses de l'avenir. Une bien belle tranche de vie, aussi légère que salvatrice.