Je me suis sauvé pour devenir quelqu'un d'autre, c'est-à-dire
soi-même.



Pour son nouveau film "Marvin ou la Belle éducation", la réalisatrice Anne Fontaine (Perfect Mothers, Coco Chanel, Les Innocentes....) adapte en toute liberté un roman autobiographie d’Édouard Louis "En finir avec Eddy Bellegueule". Techniquement le long métrage est très classique dans sa structure mais reste tout de même appliqué s'essayant à quelques jeux de lumière et d'ombre. Assez discret dans sa mise en scène appuyé par une composition musicale de divers artistes à la tonalité sympathique mais pondérée et discontinu. En bref ce n'est pas sur son habileté visuelle que Marvin ou la Belle éducation se démarque mais plutôt dans la configuration et présentation de son scénario.


Cela raconte dans un premier temps le tiraillement d'un jeune garçon "Marvin" confronté à son incompréhension face à sa différence (plus précisément "gay") dans un cadre où être à part se caractérise par les insultes, l'ignorance et la violence. Puis dans un second temps sur la fuite d'un gay tourmenté et sa complication d'échapper à son milieu familier ainsi que son éducation limitée malgré les distances. Un sujet dénonciateur qui ne conviendra clairement pas à toutes les personnes, tant le sujet a été déjà maintes fois vu, mais qui a l'originalité de la confondre sur une touche hédoniste via le théâtre. Néanmoins, et cela a le mérite d'être précisé, le récit est sur un point original à bien des égards puisqu'il ne présente pas une histoire d'amour gay le temps d'une semaine, ou d'un été, ou d'une mort, mais le comportement familial et reconstructif d'une enfance compliquée et malheureuse.


C'est dans ce contexte que l'on décrit le récit de la famille Bijou appartenant explicitement à la caste inférieure des étriquées des campagnes bouseux socialement et culturellement restreint. Du coup vous l'aurez saisi au travers de la famille Bijou on assistera à ce qui ce fait de plus déficient, médiocre et limité dans notre société. Allant de l'hygiène de vie déplorable; à la défiance financière centrée sur l'alcool; au préjuger les plus rudimentaires et stupides; à l'éducation malsaine avec bien entendu une représentation de l'ouvrier fainéant vautré dans son canapé à peine capable d'enchaîner trois mots correctement; sans oublier la mère de famille déplorable bonne pondeuse pour l'argent que cela rapporte derrière ayant finalement comme seul contact que la télévision. Relativisions, ils nous ont au moins épargné le mari violent frappant sa femme et ses gosses à tout va.


Bon, il est vrai que cette vision dénonciatrice paraît hautaine car elle donne le sentiment que finalement seuls les gens de la ville sont cultivés et suffisamment ouverts d'esprit pour accepter les différences. Une évocation de la vie en province choquante qui doit bien coller à la vision de Macron et sa caste qu'il faut bien entendu très sérieusement modéré. Tous les gens de la campagne ne sont pas ainsi, ils sont même et heureusement et je l'espère en infériorité. J'ajouterai même que l'on rencontre également beaucoup de monde tel que la famille Bijou dans les grandes villes (ce qui n'a rien de réconfortant j'en conviens). L'on peut trouver des personnes ouvertes d'esprit et cultivées dans n'importe quelle catégorie sociale, mais il faut admettre que cette famille provinciale représente bel et bien une catégorie Française existante car il ne faut pas oublier que ce film est tiré librement de fait réel.


La cinéaste échafaude son long métrage en intermittent régulièrement entre les séquences d'un Marvin enfant esclave d'une vie inhumaine et d'un Marvin adulte encore atteint essayant de se reconstruire. Je trouve les deux tranches de vie de Marvin très intéressantes et sagaces dans leurs propositions. Cela a le mérite de tonifier l'histoire lui injectant du battement ce qui tient en haleine le spectateur. La partie concentrée sur la jeunesse du garçon est la plus violente et révoltante vu qu'on assiste à ses sévices et autres persécutions et c'est donc naturellement celle où on s'attache le plus car elle nous demande plus d'attention sentimentale. L'autre partie concentrée sur sa jeune vie d'adulte est plus molasse et moins douloureuse c'est vrai, tuant un peu la rythmique du film. Pourtant, c'est certainement la plus pertinente car elle fait le lien avec la difficulté à se reconstruire dans un environnement utilisant un langage et des méthodes avec lequel il n'a jamais été initiés ou l'exorcisement de ses vieux démons seront le passage obligatoire pour parvenir à l'acceptation de soi et à cet amour pas encore rassasié.


Finnegan Oldfield (Bang Gang, Réparer les vivants, Les Cowboys), s'en sort plutôt bien dans un jeu pudique et mesuré où il parvient à émouvoir à travers sa souffrance intérieure solitaire qu'il doit absolument expulser quitte à tout dégommer autour de lui, pour enfin évoluer et renaître tel un papillon sortant de son cocon. Marvin doit mourir pour laisser place à Martin mais le chemin sera long et éprouvant. Le jeune Jules Porier pour son premier rôle incarne Marvin enfant et de manière dirais-je saisissant. Il m'a bluffé tout du long et parvient avec une aisance surprenante à transmettre l'émotion dramatique de son personnage torturé. J'espère le retrouver prochainement dans un autre film.


Le reste de la distribution s'en sort superbement à travers une qualité d'interprétation aux petits oignons. Je m'attarderais sur ceux m'ayant le plus marqué, en commençant par Catherine Mouchet et Isabelle Huppert qui sont excellentes. Elles représentent les deux femmes importante et influente (positivement) sur la vie de Marvin à deux étapes bien distinctes de sa vie. J'ai beaucoup apprécié la participation de Charles Berling qui pour le peu de temps où il apparaît offre une mature relation dans son duo avec Finnegan Oldfield. Puis vient celui qui a clairement livré la meilleure performance Grégory Gadebois qui une fois de plus marque les esprits et que l'on retrouvera après ce film dans son étonnante participation pour Normandie Nue. Mention spéciale à son incarnation de Dany le papa de Marvin qui est un personnage à la limite du grotesque et du sensationnel dont la relation avec son fils est tout en nuances. Une interprétation qui avec un personnage comme celui-ci n'a rien de simple. Je désespère de le voir un jour dans un rôle principal.


CONCLUSION:


Marvin ou la Belle éducation est une expérience cinématographique à la fois douloureuse et courageuse servie d'une réalisation assez simple d'Anne Fontaine qui se révèle presque ambiguë quant à la vision très primitive des gens vivants dans les provinces campagnardes. Fort heureusement le récit fait preuve d'originalité dans son jeu de temporalité et propose une vision avec un point original autour de l'homosexualité sans se farder obligatoirement d'une grande histoire d'amour ni de plusieurs parties de jambes en l'air ou l'image serait très expressive, même si cela ne me dérange pas à la base.

B_Jérémy
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le 6 mars 2019

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