Faire un biopic sur Mary Shelley avait tout, sinon d’une bonne idée, du moins d’une idée cohérente. Grande écrivaine, donc à la mode, dont le Frankenstein a bien évidemment traversé le siècle en devenant un élément de la pop culture, tout en créant un des nombreux jolis ponts entre le roman gothique, romantique et un peu horrifique et le fantastique plus académique, celui qui quittait alors progressivement le sentimentalisme des Chamisso et Gaultier pour rejoindre le goût de la science d’un Verne.


Une histoire littéraire solide, donc, qui plus est mâtinée d’un soupçon de scandale comme seule une société victorienne savait le faire. On pouvait donc attendre une sorte de documentaire léché, pas révolutionnaire pour un sou, mais qui tienne la route. En gros, on attendait l’équivalent de Bright Star, le biopic de Jane Campion sur Keats.


Las, rien de tout ça n’a eu lieu. On a une sorte de téléfilm, globalement poussif, comptant manifestement sur le casting pompé dans Game of Throne pour s’imposer un succès. Les images sont jolies (heureusement, c’est l’Ecosse), mais sans inventivité. Les personnages sont posés, évidemment bien placés dans le décor mais d’un académisme rare.


On en passe sur les points de zoom visant bien à nous faire comprendre que oui, la maman de Mary Shelley était féministe avant l’heure, que son mari n’est pas fidèle, … Rien n’est suggéré, rien n’est évoqué, tout est montré avec autant de finesse qu’une voix off de téléréalité. En conséquence, les deux heures apparaissent très longues, sans souffle lyrique, sans réel intérêt mais se permets quand même d’énormes ellipses qui auraient pu être utiles ou pertinentes (hop, elle est enceinte, hop le bébé est arrivé, hop le couple bât de l’aile, hop il est parti en réellement 4 minutes). Ces ellipses soulignent par ailleurs les dialogues qui, bien que bien écrits dans leur anglais traditionnel, tombent à plat le plus souvent.


On ajoute à cette caméra jolie mais intrusive une musique qui ne sait par contre n’être qu’intrusive. Si l’on est habitués aux films à oscars, ou les violons nous indiquent quand on doit pleurer, être touché ou révolté, ici, point de nuances. On a juste une grosse musique classique un peu pompier (genre groupe de pop à stade type Coldplay ou U2 qui voudrait faire venir un philha pour réinterpréter ses tubes), omniprésente et qui tombe à côté le plus souvent. Le résultat, une sorte de leçon de piano sans finesse. N’est pas Nyman, Einaudi ou Tiersen qui le veux.


Si Shelley est trop classique, profitez de ces deux heures pour découvrir le seigneur des rats de Bram Stocker ou Melmoth l’errant de Maturin, votre culture gothique en sortira préservée.

Ponchiot
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le 10 août 2018

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