Oui, le personnage principal de ce film est un présentateur télé d'émission à la Chanse aux chansons, mais ne cherchez pas dans ce site une charge contre la télé-poubelle, la course à l'audimat, ou que sais-je. Ce film est un thriller, presque un huis-clos dans les limites d'un beau domaine (qui rappelle ceux où étaient tournés ces vieux pornos français des années 1970-1980...
Un jeune homme nommé Roland Wolf (Robin Renucci) veut faire la biographie d'un présentateur à succès, Christian Legagneur, un homme adorable, qui l'invite à partager sa semaine de congé dans sa gentilhommière. Legagneur est entouré de sa secrétaire/bonne Colette, de son chauffeur/cuisinier Max, de sa masseuse nymphomane Patricia et d'un oenologue pique-assiette, Manu. Mais un mystère plane sur les motivations de chacun, transformant le séjour en jeu de masques : pourquoi Roland Wolf cache-t-il un revolver dans ses affaires personnelles, et pourquoi répète-t-il parfois "Madeleine" quand il se sait seul ? Pourquoi Legagneur, si protecteur auprès de Catherine, sa nièce malade, refuse-t-il qu'elle soit examinée par un médecin ?
Wolf utilise en réalité la biographie comme prétexte pour fouiller les affaires personnelles de Legagneur : il découvre que ce salaud a mis la main sur la fortune de sa nièce, qu'il liquide avant sa majorité, investissant dans des maisons de retraite et une casse automobile, et que Catherine est probablement droguée par les domestiques. Mais l'homme est si habile que la nièce ne veut pas accepter de reconnaître qu'il l'étouffe. La jeune fille se jette dans les bras de Wolf quand elle le peut, et lui-même finit par lui avouer qu'il est le frère de Madeleine, une amie à elle qui a disparu. On comprend qu'elle a probablement été assassinée.
La semaine touchant à sa fin, Legagneur décide de se débarrasser de Catherine, qui s'émancipe au contact du jeune homme. Il attire Wolf à une partie de jeu d'échec tandis que Max enlève Catherine droguée et la laisse dans le coffre d'une Cadillac rose qui doit être concassée le lendemain. Wolf a une intuition en voyant la chambre de la jeune fille vide, obtient l'adresse de la casse et sauve la jeune fille de justesse. Le couple apparaît dans le public de l'émission de Legagneur, qui s'effondre en révélant, avant que la police ne l'embarque, le mépris qu'il a pour le public qui croit aux histoires de coeur, et finit sur cette phrase magistrale, face caméra : "Je vous emmerde".
Encore un film sous lourde influence hitchcockienne, et il faut dire que sous les phrases banales d'un séjour oisif dans une gentilhommière de campagne, Chabrol sait bien montrer une véritable joute à fleurets mouchetés, un combat fait de jeu sur les conventions sociales, sur les faux semblants, sur les prétextes, sur la dissimulation. Il a toujours su cerner le paradoxe qui veut que l'on ait plus de mal à masquer son intimité dans un cadre restreint. Ici, les personnages hôtes du château se réduisent à leur apparence sociale, du moins en apparence : certains changent de costume, voire de visage. Les deux fois où Noiret tombe le masque, on a droit à des scènes glaçantes. Le suspense final est poignant et réussi. Car un Chabrol, ce n'est pas comme un film hollywoodien, on n'est jamais sûr de trouver un happy ending à la fin.
Jeu d'échec, match de tennis, meurtre d'un oiseau, comédies. Sous ces aspects se cache le mal, un mal qu'on ne peut pas voir en surface.
Bon, l'intertextualité est parfois trop visible, en revanche. Quand Wolff trace un M au rouge à lèvres sur un miroir, puis murmure "Madeleine !", moi je dis que l'influence hitchcocko-langienne va un poil trop loin. Bon, et le personnage d'Anne Brochet fait des allusions nombreuses, mais plus subtiles aux Yeux sans visage de Franju (le film qui m'a le plus traumatisé et fasciné).
C'est un Chabrol tout à fait classique, avec énormément de qualités, de profondeur sous une apparente simplicité. Et en prime, une jeune fille en péril tout à fait attachante.
En revanche, comme je le dis dans mon titre, la critique des médias se greffe sur le film de manière un peu transversale. C'est surtout l'histoire d'un salaud.