Le masque est certainement un des objets les plus vieux et les plus universels du monde. C'est quelque chose qui m'a toujours fasciné. C'est un caractère tellement humain que cette faculté ou ce désir de pouvoir se déguiser pour se protéger, se cacher ou agir incognito … Alors il y a le masque sous forme d'objet, mais aujourd'hui, nous connaissons bien ces masques que sont les pseudos sur les réseaux sociaux ou autres et dont la fonction n'est finalement pas si éloignée.
Mais Chabrol nous invite dans ce film à savourer d'autres masques, ceux que les gens utilisent pour paraître sous une forme, un aspect qui ne traduit (trahit) pas leur personnalité profonde. Ainsi, le personnage principal du film est un animateur de ce type d'émission télévisée que je ne supporte, habituellement, pas de regarder plus de quelques minutes tellement ça me débecte. Je me souviens en particulier d'un gars (je ne cite pas le nom mais on reconnaitra) un peu replet, avec une voix mielleuse, un sourire visqueux qui animait une émission, le dimanche après-midi, où des (petits) enfants chantaient (péniblement) sur scène avec leurs parents émerveillés, la larme à l'œil, dans le public. Absolument insupportable, pour moi.
Tandis que dans le film de Chabrol, je prends, au contraire, plaisir à voir Philippe Noiret, cabotiner à mort pour faire chanter des petits vieux dans un jeu pour gagner un voyage autour du monde. Ici, j'ai soudain l'impression de percer le jeu de ces animateurs hypocrites que je ne supportais pas (que je ne supporte toujours pas …). Parce que le père Noiret qui joue le rôle d'un de ces animateurs "vedette de la télé" dissimule une personnalité bien ignoble, pas du tout ce que son "masque" laisse voir.
On s'en doute très rapidement tellement le jeu de Noiret frise l'outrance. Ce pourrait être un reproche. Personnellement, je trouve, au contraire, que Chabrol en fait un personnage presque jouissif. Un peu comme Piccoli dans "le prix du danger" ou Marielle dans "Dupont Lajoie". C'est ma vengeance que je savoure chaque fois que je regarde ces films.
En plus Chabrol nous gâte dans ce film avec le scénario bien ficelé qui nous laisse dans un certain suspense avant le dénouement où, justement, les masques tombent. Il en est de même de la distribution brillante qui entoure notre "pôvre" Noiret, tous porteurs de "masques" divers. Robin Renucci qui joue un journaliste désireux de faire la biographie de la vedette de la télé, flattant son orgueil démesuré …
Bernadette Lafont, savoureuse masseuse (à domicile) de la vedette mais bonne pique-assiette et très ambigu personnage. Quelle présence à l'écran ! J'adore … Son mari, Roger Dumas en irrésistible échanson improbable. Ou encore Monique Chaumette (Mme Noiret au civil …) en excellente secrétaire de la vedette dévouée dans l'inavouable.
Et surtout, pour finir, Anne Brochet dont j'ai toujours apprécié ses personnages dans divers registres comme "tous les matins du monde", "Cyrano" , etc …
Alors, oui, il y a bien quelques petites facilités dans le déroulé du film, quelques grosses ficelles bien chabrolesques mais elles pèsent bien peu face au jeu de tous ces acteurs.
Un des films de Chabrol que j'aime beaucoup et que je revois toujours avec un indicible plaisir …