Nicolas avait-il en tête le classique de Tobe Hooper quand il promit le croc de boucher à son ami Dominique ? Se rêvait-il en cannibale sociopathe à face de cuir où envisageait-il de faire exécuter ces basses mais jouissives œuvres par un sous-fifre zélé ? Autant de questions qui ne pourront que rester sans réponse pour le (néo)spectateur des années 2010. En tout cas, imaginer l’ex-chef de l’état en celui de fratrie dégénérée est une perspective assez effrayante en cas de nouveau reboot.
Interdit aux plus de 18 dents
Il était étonnant pour moi, en revoyant un film peu apprécié il y a une trentaine d’année, de me rendre compte de tout ce que ce classique n’est pas : il n’est finalement pas gore, et il ne fait pas peur. Le seul jump-scare (pour utiliser une expression récente et symbole de ce à quoi se réduit un film de ce genre d’aujourd’hui) est d’ailleurs assez pathétique.
Cela dit, remarquer ce que «Texas chain saw massacre» n’est pas permet de souligner avec une évidence cristalline ce qu’il est.
Les heures fesse
Il est avant tout un petit bijou iconographique. Une photo qui alterne les ambiances chaudes et froides avec maestria (au fond, les années 70 ne sonneront jamais aussi juste que quand elles auront été filmées à cette époque, avec ses jeunes filles chichement vêtues et ses garçons au look prodigieux). Des cadrages ingénieux et pensés qui contredisent toute idée de document brutal et pris sur le vif auquel on pense souvent en évoquant «Massacre». Cette combinaison réussie permet au film d’exceller là ou tant de ses petits camarades échouent : il se dégage de ses 80 minutes une ambiance poisseuse et sauvage comme rarement on pourra la retrouver par ailleurs. Mieux : ne plus le voir sur une vieille bande VHS torturée mais sur une copie restaurée et numérique ne lui enlève rien de sa puissance visuelle. Implacable, la magie (noire ?) opère derechef.
Jouets de son influence
Reste un message, qui porte le film et en constitue sa principale faiblesse. L’influence des astres sur les comportements incompréhensibles de la population locale (entendre la longue litanie de faits divers horrible par la radio du van) permet certes au propos de se désengager de toute morale ou plausibilité pesante (tout en lui permettant paradoxalement de revêtir les revendications sociétales de son époque, comme tout bon film d’horreur qui se respecte) mais donne aux amateurs d’irrationalité planétaire de biens mauvaises cartouches pour les complaire dans leur superstitions malsaines.
Mais ferais-je les mêmes reproches s’il s’était agi, plus traditionnellement, de délire diabolique ou fantastique ? C’est en tout cas grâce à ces atouts formels (absence de justification et radicalité salutaire) que le film de Hooper permet aux spectateurs de toutes les époques qu’il a traversé jusqu’ici de se poser sans cesse de nouvelles questions, et souvent diablement plus intéressantes que celles soulevées par la grande majorité de ses pales poursuivants.