Bien qu’il ait pris de l’âge (et pas qu’un peu !), Massacre à la Tronçonneuse reste un grand classique du genre horrifique, ayant été un énorme succès commercial (plus de 26 millions de dollars à travers le monde pour un budget de 1 400 dollars) et critique. Avec lequel les spectateurs tremblaient facilement et/ou s’extasiaient face à l’inventivité de la mise en scène (proche du documentaire). Mais même à l’époque, Hollywood pensait déjà à offrir des suites à ses plus grands titres. Et si une décennie sépare les deux films (le premier opus était sorti en 1974, du moins aux États-Unis), il faudra attendre 1986 pour avoir un second long-métrage, au budget bien plus conséquent (soit 4,7 millions de dollars) pour réitérer l’exploit. D’autant plus que le cinéaste du film précédent, Tobe Hooper, revient derrière la caméra pour filmer le nouveau carnage orchestré par Leatherface et le reste de la famille Sawyer. Un nouveau grand film du cinéma d’horreur ?

Tobe Hooper le dit lui-même : s’il devait refaire le premier film, il y instaurerait beaucoup d’humour. Il en ferait un pur divertissement sans prise de tête à la limite du burlesque, qui use à fond la carte de la comédie noire pour amuser. S’occuper de cette suite avec bien plus de moyens lui donne donc l’occasion de se « racheter ». Grand bien lui fasse ! Seul petit problème : pour la plupart des cinéphiles (je vous renvoie à ma critique du film original), Massacre à la Tronçonneuse premier du nom était déjà parfait comme il était, avec un côté réaliste qui lui allait à merveille. Lui rajouter « autre chose » était amplement risqué, au point de dépasser la limite du too much. Eh bien, au final, Massacre à la Tronçonneuse 2 se vautre dans le plus grand n’importe quoi qui puisse exister !

À trop vouloir faire dans le comique, le film perd toute la substance qui faisait le charme du premier film. Tout le côté cradingue, salace et psychotique qui dénonçait une Amérique profonde désincarnée et isolée de tout se retrouve ici effacé. La société faite d’illusions, notamment à cause des médias, qui ne disaient pas forcément la vérité vis-à-vis de la peur que pouvaient engendrés certains faits (une bien belle métaphore au Watergate) dénoncée dans l’opus précédent : disparue ! Dans Massacre à la Tronçonneuse 2, il n’y a plus rien de tout cela. Juste un slasher (film d’horreur mettant en scène les meurtres d’un serial killer) tout ce qu’il y a de plus banal. Soit une fille qui ne fait que hurler à s’en rompre les cordes vocales, tentant de fuir la famille d’attardés composée de Leatherface et de ses deux frères aussi peu fréquentables. Une suite qui établit le lien avec le film précédent qu’en y faisant rapidement allusion (via notamment un descriptif des événements façon générique) et en mettant en scène l’oncle d’une des victimes. Si vous aimez creuser un scénario même s’il se montre vain, vous trouverez tout de même quelque chose dans cette boucherie : le sujet de l’industrialisation. En effet, avec cet opus, nous en savons un petit peu plus sur la famille Sawyer, notamment sur le fait qu’elle était connu dans le domaine des abattoirs. Jusqu’à ce que l’entreprise décide de licencier la majorité de ses employés par des machines. Une petite critique donc de notre société actuelle (le film a beau être de 1986, ce sujet fait encore écho) ainsi que de la consommation de masse (le coup de la famille Sawyer gagnant désormais sa vie avec du chili con carne composé de… on vous laisse deviner avec quoi !), qui passe malheureusement inaperçue.

La faute à cet humour noir omniprésent. Ou plutôt cette tentative d’humour noir, étant donné que tout dans ce Massacre à la Tronçonneuse 2 est tourné en ridicule. Et pas dans le bon sens du terme ! Bien que les personnages et les décors ont changé (pour montrer que cette suite possède un budget bien plus conséquent), la trame scénaristique reste la même : une jeune femme va être la proie principale de Leatherface et de ses frères pendant tout la durée du film, se faire poursuivre sans fin et être le témoin de moments déjà vus dans le film précédent (la séquence du dîner, par exemple). À cela donc viennent s’ajouter des instants délirants se voulant jouissifs mais qui ne mettant jamais dans le mille à cause d’un côté too much : trop de n’importe quoi, trop de sang, trop de burlesque… Du coup, nous avons affaire à un duel de tronçonneuses. À un Leatherface qui tombe amoureux. À du dixième degré à la pelle. À du gore en surdose (un mec se fait trancher vivant tel un jambon et arraché le visage). À des répliques et des protagonistes d’une débilité profonde. À des comédiens du coup en roue libre, même Dennis Hopper (que fait-il dans ce film ?). Bref, tous les éléments qui gâchent le côté angoissant d’un film d’horreur. Avec Massacre à la Tronçonneuse 2, vous aurez juste une apparition inattendue de Leatherface (surgissant tronçonneuse à la main d’une pièce plongée dans l’obscurité), qui part ailleurs a perdu tout de son aspect effrayant (gros plans sur son masque/visage, musiques couvrant le son de la tronçonneuse…).

Vous l’aurez compris, le géniteur du premier film, a trop vouloir se rattraper vers l’aspect humoristique qu’il manquait (selon lui) au premier opus, gâche littéralement cette suite qui, au vu de son sujet caché (l’industrialisation et la consommation de masse) pouvait réellement proposer quelque chose à nous mettre sous la dent. Mais non, Tobe Hooper a préféré en faire plus, voire en faire trop, parce que le budget du projet le lui permettait. Si j’émets bon nombre de réserves sur le premier film, ce Massacre à la Tronçonneuse-là lui permet de remonter dans mon estime. C’est déjà ça de gagné, mais bon…

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